Les massacres perpétrés par les prétendus miliciens Kamuina Nsapu dans l’espace Kasaï ont poussé une partie de Congolais à se cacher dans les forêts, loin de leur territoire. Au moment où la terre entière exprime sa compassion pour les « Bakasaï », Moïse Katumbi et son groupe réclament des élections sans eux. Loin d’illustrer uniquement les traits de personnalité qu’on reconnaissait déjà à l’ancien gouverneur du Katanga, à savoir son côté égocentrique et prévaricateur, Moïse Katumbi, naviguant à contre-courant, extériorise ici son sentiment foncièrement anti-kasaïen, un peuple dont il a spolié des biens. Peut-on sérieusement soutenir, sans risque d’amener le pays dans des troubles susceptibles d’ouvrir la voie à la balkanisation, que l’on peut organiser des élections crédibles sans une préparation sérieuse et excluant une partie de la population. C’est pourtant ce que soutient l’aile Katumbiste du Rassemblement, en violation de l’Accord de la Saint-Sylvestre qui a prévu une réunion tripartite, Gouvernement, CNSA et CENI, pour évaluer et prendre une décision devant une telle situation.
Sait-on exactement de quoi on parle quand on évoque le mot « démocratie » à tout bout de champ ? La démocratie est un système politique qui repose sur un certain nombre de principes parmi lesquels, la représentation de la population joue un rôle primordial à côté d’autres valeurs. Parmi celles-ci, il convient de souligner la séparation et l’équilibre des pouvoirs, le respect des libertés fondamentales et plus récemment, tant les praticiens que les théoriciens mettent le doigt sur la démocratie participative qui donne une place importante aux intérêts locaux. Il va sans dire qu’il y a d’autres valeurs qu’il n’est pas opportun de singulariser dans le cadre de ce dont nous dissertons ici.
Toutes ces valeurs, certes importantes, voire fondamentales, viennent en fait soutenir la voute principale de ce système politique : la représentation.
En démocratie, l’autorité est, certes le leader, celui qui conduit. Mais contrairement aux autres systèmes politiques, ici, le leadership s’explique d’abord par cette notion de la représentation. On n’est conducteur d’un peuple que parce que l’on a été choisi par ce dernier. Pour être légitime et pouvoir asseoir une démocratie acceptable par tous, ce choix doit s’opérer par des méthodes mettant en avant la transparence et surtout l’équilibre. Equilibre entre les grandes opinions qui traversent la nation considérée, mais aussi, équilibre entre les différentes régions ou provinces qui doivent se reconnaître dans l’autorité élue et établie.
Aujourd’hui la République Démocratique du Congo fait face à une situation particulière. Des gens qui se définissent comme démocrates mettent en œuvre une forte pression médiatique pour convaincre l’opinion qu’il est possible, juste, démocratique, voire constitutionnelle, d’organiser des élections crédibles sans une préparation sérieuse et avec une représentation amputée. Bien plus, ces apprentis sorciers prétendent qu’un Président ou une Assemblée de Députés nationaux peut être légitime en étant issu d’une élection ayant exclu une importante portion de la population.
Peu importe pour cette nouvelle race de « démocrates » que des pans entiers du pays soient laissés de côté. Peu importe pour ces démocrates inconséquents, que des provinces entières restent en dehors de la représentation nationale. La soif débordante du pouvoir les aveugle au point qu’ils ignorent le fait qu’en matière d’élections, toute précipitation serait funeste et risque d’amener le pays dans des troubles susceptibles de déboucher sur ce que nous redoutons le plus, à savoir : la balkanisation.
Le temps est venu de sortir de la réserve et de dire les choses de la manière la plus claire. La démarche de Sieur Moïse Katumbi et du « G7 », adoubée par l’aile katumbiste du « Rassemblement », reflète le fond de la personnalité de l’homme qui se propose à la « candidature à la Présidence de la République Démocratique du Congo ».
En conduisant son groupe politique à réclamer des élections sans le Kasaï, Moïse Katumbi ne fait qu’extérioriser son sentiment régionaliste et tribaliste, foncièrement anti-kasaïen et constitutif de son idéologie politique.
Le G7, groupe qui, à longueur des journées et des nuits, crie sur tous les toits son attachement à la démocratie ainsi qu’à la Constitution du 18 février 2006, ignore superbement les articles 12 et 13 de la loi fondamentale. Il sied de rappeler, si besoin est, qu’en République Démocratique du Congo, toute discrimination, de quelque nature que ce soit et pour quelque raison que ce soit, est interdite.
La démocratie congolaise, comme toutes les démocraties modernes, ne peut pas ignorer la notion de la représentation, ni même celle de la participation. Sans ces deux notions, il n y a pas de démocratie.
L’on a longtemps douté de l’hypothèse avancée par certains compatriotes, suivant laquelle le « phénomène Kamwina Nsapu » serait une manipulation du G7 pour opposer le peuple du Kasaï au régime de Kinshasa. Aujourd’hui, à l’examen du passé de l’ancien « Gouverneur du Katanga » et à considérer sa hargne actuelle à vouloir des élections précipitées, alors que le Grand Kasaï doit encore panser ses plaies, réorganiser son administration mise à sac et permettre à la CENI de se déployer, nous nous convainquons que de profonds sentiments de haine et de mépris animent effectivement cet homme à l’égard des « Bakasaï ».
Les peuples du Kasaï vont-ils tomber dans ce piège ?
Pour ceux qui douteraient du tribalisme de l’ancien Gouverneur du Katanga, on leur recommande de lire les déclarations de ce personnage, telles que rapportées par Me Muyambo à propos d’un conflit concernant la « Mine de Mbola », qui appartenait alors à M. Muamba Kabasele, lequel se trouve être Kasaïen. Comme raison pour lui arracher illégalement son bien, le Gouverneur n’avait qu’un seul argument : « il s’agit d’un kasaïen ».
Donc, après avoir spolié les biens des Kasaïens au Katanga, brisé leurs petits commerces, manipulé certains de leurs leaders pour répandre la mort et la désolation sur les terres du Kasaï, voilà que le candidat à la Présidence de la République s’organise pour exclure les « Bakasaï » du processus électoral qu’il présente comme démocratique.
Il importe que tous les véritables démocrates de ce pays prennent conscience du danger que représente réellement cet homme à l’allure débonnaire. L’approche de Katumbi est d’ordre tribaliste, ethniciste tandis que son objectif est séparatiste, en faveur de ses alliés libéraux belges. Il n’a donc pas besoin de l’électorat kasaïen, puisqu’il ne souhaite pas avoir à faire avec des élus originaires de cette région.
Les nationalistes congolais ont besoin d’un Congo uni dans sa configuration de 1960, telle que nous l’avons héritée de Patrice-Emery Lumumba. Les nationalistes congolais attendent des élections bien préparées et impliquant toutes les régions du pays. C’est ici qu’il faut encourager donc ceux qui aiment véritablement ce pays, à s’organiser pour s’opposer à la tribalisation du pays par l’exclusion du processus électoral d’une très importante frange de la nation.
L’Avenir