Moïse Katumbi a annoncé, vendredi dernier, dans les réseaux sociaux, son grand retour en RDC, en s’appuyant sur une correspondance positive du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme à son nouvel avocat, Maître Dupond Moretti. Ce dernier avait saisi son comité en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Moïse Katumbi sollicitait son retour au pays en qualité de candidat à la présidence de la République et prétendait que l’Etat congolais l’en empêchait. Le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme a, par sa lettre sus évoquée, accusé réception de la requête et a, sans juger du fond, demandé aux autorités congolaises de prendre toutes mesures pour ne pas soumettre Katumbi au risque du préjudice irréparable, dans le cas de son retour au pays pour exercer ses droits civils et politiques. L’opposant politique préparerait déjà ses valises. Contrairement aux précédentes annonces de son retour, qui ont suscité des réactions contradictoires et passionnées, celle-ci semble, curieusement, avoir été bien accueilli par tous. Pourquoi ? Voici une tentative de réponse.
Trois raisons peuvent expliquer cette unanimité apparente
Premièrement. Moïse Katumbi était sous mandat d’arrêt provisoire lorsqu’il quitta le pays. Et ce sur autorisation du Procureur Général de la République, saisi par les avocats de l’ancien gouverneur du Katanga. Ces derniers avait fondé leur requête sur l’état de santé de leur client qui nécessitait, selon eux, une prise en charge immédiate en République sud-africaine. Or, Moïse Katumbi s’est rendu directement en Europe et a violé certaines mesures d’instructions, assorties à cette exceptionnelle mesure de liberté. Il a, notamment, multiplié des déclarations tapageuses sur l’affaire dite «des mercenaires » pour laquelle il était poursuivi. Ce qui lui était formellement interdit en raison du secret de l’instruction. Puis, il s’est livré à des propos diffamatoires envers la justice congolaise, cherchant, à chacune de ses sorties médiatiques, à saper l’autorité et l’image des magistrats congolais. Ainsi, le Procureur Général de la République serait ravi du retour de Moïse Katumbi pour annuler son autorisation de sortie dans un premier temps, sanctionner la violation des mesures assorties à l’autorisation de sortie, dans un second temps, et enfin, faire poursuivre, par les magistrats désignés, l’instruction de l’affaire des mercenaires par l’interrogation du principal suspect et sa confrontation avec d’éventuels complices.
Deuxièmement. Moïse Katumbi a été condamné à cinq ans de prison, avec arrestation immédiate, dans une autre affaire, celle de la spoliation d’un immeuble, situé à Lubumbashi et appartenant à une famille grecque, représentée par Emmanouil Stoupis. Le retour au pays de Katumbi lui permettra d’assumer ses responsabilités et de favoriser une bonne administration de la justice. Ainsi, en exécution de sa condamnation, Moïse Katumbi sera arrêté, dès sa descente d’avion, puis conduit en prison, d’où il exercera ses voies de recours, indispensables pour solliciter une mise en liberté conditionnelle. Ceci est la procédure pénale et ne saurait être regardé comme un préjudice irréparable. La présence de Katumbi à la barre, face au grec Stoupis, permettra à toute la nation d’être fixée sur la nature de cette affaire, décriée, à tort par certains, comme étant un procès boutiqué de toutes pièces pour empêcher Katumbitu d’être Président.
Troisièmement. La mesure provisoire par laquelle le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme a demandé aux autorités congolaises de prendre toutes mesures pour ne pas soumettre Katumbi au risque du préjudice irréparable, dans l’hypothèse de son retour au pays pour exercer ses droits civils et politiques, n’est pas encore exécutoire. Elle a été soumise à la réaction de l’Etat congolais, par respect du principe du contradictoire. La RDC, mise injustement en cause, dans cette procédure, a été invitée à faire connaître ses observations sur la forme et, éventuellement sur le fond. Il faut relever ici que, dans cette procédure, la RDC dispose d’un délai de six mois si elle entend répondre à la fois sur la forme et le fond à la mesure provisoire accordée à Moïse Katumbi. Mais elle ne disposera que de deux mois si elle choisit de ne réagir que sur la forme. Il semblerait que les autorités congolaises ont opté pour une réponse quant à la forme. Elles auraient relevé l’irrecevabilité de la requête de Katumbi devant ce comité, au motif que celui-ci n’a pas rempli la condition indispensable qui exige que le requérant ait épuisé toutes les voies de recours dans son pays avant de se transporter vers cette instance. Il appert, cependant, que toutes les affaires, dans lesquelles Moïse Katumbi est poursuivi, sont encore pendantes devant les juridictions congolaises. Ceci est particulièrement vrai pour les deux affaires, évoquées ci-haut.
Ainsi, la mesure provisoire, dictée à la RDC et favorable apparemment à Moïse Katumbi, encourt, normalement, annulation pour irrecevabilité de la requête devant une instance incompétente. Dans ce contexte, et au lieu de perdre du temps en attendant une décision sur un débat quant à la forme, c’est à juste titre que Moïse Katumbi a suscité un regard bienveillant, de la part de tous les acteurs de la société congolaise, en prenant l’initiative de rentrer au pays afin de se mettre à la disposition de la justice et ainsi épuiser toutes les voies de recours dans les procès intentés contre lui et soutenir personnellement les actions en justice qu’il a, lui aussi, intentées contre plusieurs citoyens, congolais et étrangers.
Eu égard à tout ce qui précède, le retour de Katumbi est une bonne chose pour la justice congolaise et pour lui. Un candidat à la présidence de la République ne se soustrait pas à la justice de son pays. Toutefois, au regard des risques d’arrestation, consécutivement aux procédures en cours et à l’exécution de sa condamnation à cinq ans de prison, il est fort à douter que Moïse Katumbi soit décidé à arrêter sa fuite en avant. Il sait, parce qu’il est, dit-on, assisté par un des meilleurs plaideurs de la France, que la procédure devant le Comité des Droits de l’Homme va être longue. Mais pourquoi a-t-il alors parlé si vite d’un retour imminent. Réponse : Un coup de bluff. Pour quel objectif ? Tester sa popularité. A-t-il été rassuré par les échos tronqués qui lui sont parvenus ? La réponse sera affirmative s’il revient au courant de la semaine. Dans le cas contraire, son annonce n’aura été qu’une démonstration de sa popularité fictive devant l’électorat congolais.
L’Avenir