Formation du gouvernement Ilunga1: Ministères de souveraineté, pierre d’achoppement

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Poignée de mains entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, Président de la République et président honoraire/Ph. d’archives

La  constitution congolaise n’a pas examiné spécialement la situation politique dans laquelle notre pays est plongé depuis les élections présidentielle et législatives du 31 décembre 2018. Le Président Félix Tshisekedi, ne disposant de la majorité à  l’Assemblée nationale, a été contraint, à  moins d’être un président postiche, de se mettre en coalition avec le Front Commun pour le Congo (FCC), pour espérer imposer, un tant soit peu,  son empreinte sur la future politique gouvernementale.

En effet, une application stricte de la Constitution aurait dû tenir le nouveau chef de l’Etat loin de toutes discussions sur la définition et  la conduite de la politique de la nation (art. 91 de la constitution du 17 février 2006). Le Premier ministre que le chef de l’Etat était tenu, par la Constitution toujours, d’aller piocher dans la plateforme qui dispose de la majorité absolue à la chambre basse, devrait en être le seul  maitre à bord. Ce qui nous aurait donné une situation de cohabitation inédite, dont Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, en tant que chef de majorité parlementaire issue des dernières élections, n’ont pas voulu.  Ceux-ci ont opté, dans leurs négociations, pour un gouvernement de coalition FCC-CACH. Si La taille de l’équipe et la clé de répartition des ministères entre ces deux plateformes n’ont pas posé beaucoup de problèmes, les discussions ont achoppé autour des ministères de souveraineté, à savoir : l’Intérieur, la Défense, la Justice et les Affaires étrangères.

Domaine réservé, une invention de CACH?

Les uns prétendent, sans avancer une seule disposition constitutionnelle, que ces portefeuilles seraient du domaine réservé du chef de l’Etat, d’autres, au contraire, brandissant la loi fondamentale, rejettent le concept «domaine réservé » et consentent, à la limite, au président de la République une simple collaboration avec le Premier ministre, sur ces ministères dits régaliens.  Devant le silence de la Constitution, les négociateurs des deux camps coalisés (FCC  et CACH) savent que ce qui sortira de leurs discussions créera un usage, une pratique en cas de nouvelle cohabitation dans le pays. Cette discussion sur le domaine réservé ou pas du chef de l’Etat est une vraie première pour les Congolaises et Congolais.  D’où la nécessite d’apporter l’éclairage suivant.

Le concept « domaine réservé » est emprunté à  la politique française qui a connu plusieurs situations de cohabitation entre un président et un gouvernement de couleur politique différente.

Là-bas, on désigne par « domaine réservé » certains secteurs de la politique nationale (la défense nationale et la politique étrangère notamment) dans lesquels la compétence particulière du Président de la République, reconnue par l’usage, s’exerce. Cette expression a été inventée par Jacques Chaban-Delmas en 1959.

Cependant, le gouvernement dispose lui aussi de prérogatives constitutionnelles dans ces domaines : il détermine et conduit la politique de la Nation (comme en RDC) et le Premier ministre est responsable de la défense nationale (comme en RDC). C’est pourquoi, aujourd’hui, la notion de domaine réservé semble inappropriée en France. Elle a laissé place à l’expression  « domaine partagé ».

Domaines de compétence privilégiés du président de la République


C’est la pratique et le mode de gouvernement que Félix Tshisekedi va mener qui va donner la dimension de ses privilèges. La Constitution confère au Président de la République un rôle majeur en matière de défense nationale, puisqu’il est le garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire national et le « chef des armées ». C’est à ce titre que Felix Tshisekedi a procédé aux dernières nominations dans l’armée. On note également que le Président préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale.

La diplomatie constitue le second domaine de compétences privilégié du Président de la République. En effet, il lui appartient d’accréditer les ambassadeurs congolais à l’étranger et les ambassadeurs étrangers sont accrédités auprès de lui. Il négocie et ratifie les traités. Mais, c’est surtout la pratique qui confirmera cela. Il est vrai que c’est le Président qui entre en relation directe avec les chefs d’États étrangers et qui assure la représentation de la RDC sur la scène internationale, mais le Premier ministre peut, à l’évidence, effectuer des voyages officiels et prendre la parole au nom de la RDC, sans que cela soit une violation de la constitution.

Espérons que cela se fera toujours dans un cadre défini d’un commun accord avec le président de la République, pour éviter toute frustration.  Tout compte fait, FCC et CACH, nationalistes et patriotes, conscients des enjeux de l’heure, vont aboutir un arrangement sur les domaines réservés, dans les heures qui suivent. Il est temps de se mettre au travail.

Noëlla Mbula

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