L’audience d’hier au Tribunal militaire de Garnison de Kinshasa/Gombe était dédiée à l’exploitation des relevés téléphoniques. Pour ce faire, les experts des sociétés, notamment Orange, Africell, Vodacom et Airtel étaient invités pour éclairer la religion du Tribunal. Mais bien avant, le Tribunal a d’abord exploité les rapports médicaux des prévenus Mpoyo et Kabasele, internés au Camp Kokolo le 21 mai 2017 et Ngaliema le 27 mai de la même année pour blessures par balles et après l’attaque de la prison de Makala. Ici, il est question de savoir, qui étaient réellement autour de la prison de Makala, le jour où l’attaque a eu lieu et si les prévenus nient, le Tribunal tirera toutes les conséquences.
L’audience d’hier au Tribunal militaire de Garnison de Kinshasa/Gombe, qui siège en audience foraine à la prison militaire de Ndolo, avait un caractère spécial, d’autant plus qu’elle devait enfin permettre d’exploiter les relevés téléphoniques des sociétés de télécommunication, notamment Orange (Teven Mukendi, expert), Africell (Patrice Mamba, Manager Planing Optimization), Vodacom (Roger Musepu et Guylain Kisonia, respectivement ingénieur et responsable Corporate Security) et Airtel (Bob Kipoyongo, chargé de l’interconnexion et validation des produits). Mais bien avant, le Tribunal a appelé les prévenus Mpoyo et Kabasele pour lesquels les rapports médicaux sollicités par le Tribunal ont été fournis successivement par l’hôpital militaire de Camp Kokolo et Ngaliema. Au cours de l’instruction, les deux prévenus ont continué à aligner une version de faits qui ne tient pas compte de la réalité. L’un reconnait avoir été au Camp Kokolo, pendant que l’autre rejette carrément.
La défense qui a pris la parole, a fustigé le fait que le rapport médical ne contient pas la date d’entrée des blessés, leur provenance, les raisons de leurs blessures, la date de leur sortie de l’hôpital, etc. Selon elle, le médecin ne donne pas sa qualité. Et de se demander, où sont les déclarations de ceux qui avaient amené le Major Mpoyi et Kabasele à l’hôpital ? Le Tribunal peut-il le faire venir ? Cette prise de parole de la défense a provoqué la réaction musclée du Ministère public, qui pense que la défense n’a pas saisi son raisonnement. Et de démontrer que Mpoyi et Kabasele habitent tous Nsele, ils se retrouvent le 17 mai vers 4 heures à 5 heures autour de la prison de Makala et s’y retrouvent à la même date où la ville province de Kinshasa a été mise à feu et à sang, sont tous deux ‘’ba postolo’’.
Et d’ajouter, tous les deux sont atteints par balles et acheminés à l’hôpital du camp Kokolo. Preuve, selon lui qu’ils avaient participé à l’attaque de la prison de Makala et où ils ont été blessés. Il a, à l’occasion contredit la défense, en lisant le rapport du médecin qui écrit : « …avoir subi des blessures par balles vers 4 heures du matin dans les environs de la prison de Makala, alors qu’ils revenaient de l’UPN ». Et d’insister que le médecin n’est pas un enquêteur pour qu’il donne d’autres précisions… L’Organe de la loi souligne que la défense, faisant preuve d’honnêteté, aurait dû lire le 2ème rapport qui indique : « … à noter que les patients avaient séjournés 10 jours avant dans une autre formation médicale avant la consultation à Ngaliema ».
La partie civile éclairée par les experts
Pour le Bâtonnier Matadiwamba, de la partie civile Rdc, l’analyse des rapports médicaux, des relevés téléphoniques, …, il s’agit là des éléments qui devraient mettre tout le monde d’accord. Parce que ça ne vient pas de l’accusation, mais des tiers. « Les prévenus sont en droit de les contester. Il reviendra au Tribunal de dire si oui ou non ça éclaire sa religion. Personnellement, j’ai beaucoup aimé les dires de Vodacom et de l’autre société. Aussi, d’apprendre que par les points géodésiques, l’attitude longitude, il est indiscutable de dire à quelqu’un qu’à tel jour, à telle date, vous étiez à tel endroit. C’est confirmé que par l’attitude longitude, on sait vous dire qu’à ce jour-là, à cette heure-là, vous étiez à tel endroit », dit-il, avant d’ajouter que par rapport au GPRS, nos villes ne sont pas encore bien limitées cadastralement pour qu’on exploite ces données-là. Ailleurs, c’est faisable et c’est indiscutable. Et de renchérir que vous n’allez pas discuter avec le satellite qui vous donne la position exacte où vous vous retrouver. Il y a des prévenus qui ont dit lors de l’instruction préjuridictionnelle qu’à cette heure-là, ils étaient à Nsele, à Mont Ngafula. Avec les données téléphoniques, on pourra dire où était tel prévenu à cette heure-là.
Il ajoute en disant que le contenu des SMS, des conversations, ne sont pas difficiles à reproduire. Les compagnies des télécommunications ne les donnent pas pour des raisons commerciales. « Allez-vous continuer à utiliser le téléphone, si vous êtes convaincu que votre société peut mettre sur le marché le contenu de votre intimité ? En tout état de cause, nous n’en avons pas besoin ici. Nous voulons seulement savoir, qui était autour de la prison de Makala le jour où l’attaque a eu lieu ? Si vous avez nié, on peut tirer toutes les conséquences », explique-t-il.
Et d’insister sur le fait que les rapports médicaux ne sont pas anonymes, ils sont signés. Il y a le nom du médecin. Ils concernent aussi la nature des blessures. Si un prévenu dit que la blessure, c’est suite à la chute de sa moto et si le rapport dit le contraire, le Tribunal tirera toutes les conséquences.
La défense dans le doute
De son côté, Me Kabengela, avocat de la défense a indiqué, en ce qui concerne les rapports médicaux, que l’objectif est de savoir quel lien nous pouvons faire entre ces rapports et les faits dont les juges est saisi ? Quant aux relevés téléphoniques, il dit que nous sommes d’avis que ce sont les preuves techniques et sont péremptoires lorsqu’ils prouvent un fait, notamment par la présence. « Mais nous reviendront au moment venu pour critiquer la fiabilité (quand, quelle date ?, après combien de temps). Avec les relevés téléphoniques, on situe un individu à telle part, il n’y a pas à discuter. Mais maintenant le problème est que si l’individu se trouvait telle part, c’était pour quel fait ? Est-ce que les sociétés téléphoniques peuvent produire les relevés téléphoniques de toutes les personnes se trouvant au même endroit et prouver que c’était pour perpétrer la criminalité ? », se demande-t-il. Et de dire qu’il est content que l’un des experts ait affirmé que six mois après, les relevés ne sont pas fiables. Parce que ce n’est pas la première fois que l’on recourt aux relevés téléphoniques pour prouver quelque chose.
Les Congolais qui ont vécu ces moments troubles de leur existence n’attendent que les rapports médicaux et les relevés téléphoniques soient exploités dans le sens d’éclairer la religion du Tribunal et de lui permettre d’asseoir sa conviction sur des faits réels. Le procès se poursuit ce jeudi, toujours au même endroit, soit à la prison militaire de Ndolo, dans la commune de Barumbu.
(JMNK)