En le reconnaissant officiellement comme une association privée de l’église, la Cenco s’engage ainsi à répondre des faits et gestes du Clc… Dans sa déclaration du 17 publiée le 19 février 2018, la Cenco a demandé aux autorités compétentes d’«Annuler les édits interdisant les manifestations pacifiques» (…) et de «prendre des dispositions appropriées pour encadrer les marches pacifiques, comme cela se fait sous d’autres cieux». Elle sait pourtant que sous d’autres cieux, l’un des préalables essentiels à l’organisation des manifestations publiques est la fixation de l’itinéraire. Comme preuve, pour sa marche du 11 février dernier à Rome, l’Aumônerie catholique congolaise s’est pliée à cette exigence en soulignant que «La marche partira de l’église de l’aumônerie congolaise de Roma, Plazza di Pasquino, 2, près de Plazza Novona, après la messe qui sera célébrée à 9h00. Elle chutera à la Place Saint Pierre avec la bénédiction papale à l’Angelus» ! Par quoi faut-il alors expliquer l’exception congolaise si ce n’est la volonté délibérée de braver l’Autorité de l’Etat !
Après les marches du 31 décembre 2017 et du 21 janvier 2018, le Comité laïc de coordination (Clc) annonce pour le 25 février prochain une nouvelle manifestation. Depuis, les forces politiques et sociales associées aux deux premières se mobilisent pour la troisième. Dans ce cadre Rfi a approché le 20 février dernier l’abbé Donation Nshole, secrétaire général de la Cenco, à qui elle a posé la question simple de savoir si «L’interdiction de ces marches est illégale, illégitime pour vous». Réponse du prélat : «Justement, il y a une note de recommandation, c’est demander aux gouverneurs qui ont émis les édits contre les manifestations de les annuler parce que c’est contre les dispositions de la Constitution. Et, sinon, on ferme la bouche à la population. Si la population ne sait plus revendiquer ses droits, on ne sera plus dans la démocratie».
Par cette réponse voulue évasive, l’abbé a carrément botté en touche, comme on dit. Il y a de quoi, car il sait pertinemment bien que la Constitution à laquelle il fait allusion prévoit une loi d’application. L’article 26 dispose : «La liberté de manifestation est garantie. Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente. Nul ne peut être contraint à prendre part à une manifestation. La loi en fixe les mesures d’application».
Pour l’heure, les membres de la Cenco, comme ceux du Clc, savent que le texte légal en vigueur est le décret-loi 196 du 29 janvier 1999. Son article 1 est ainsi libellé : «Tous les Congolais ont le droit d’organiser des manifestations et des réunions pacifiques et d’y participer individuellement ou collectivement, publiquement ou en privé, dans le respect des lois, de l’ordre public et des bonnes mœurs».
Pour l’alinéa 1 de l’article 3, «Sont considérées comme publiques les manifestations et réunions organisées sur la voie publique ou dans les lieux publics ouverts, non clôturés ou celles auxquelles le public est admis ou invité».
L’article 4 a deux alinéas. Le libellé du premier alinéa est : «Sans préjudice des dispositions de l’article 1er du présent décret-loi, les manifestations et réunions visées à l’article 3, alinéa 1, sont soumises à une déclaration préalable auprès des autorités politico-administratives compétentes». Le second est : «Toutefois, les manifestations et les réunions organisées sur le domaine public peuvent être subordonnées à l’autorisation préalable».
L’article 5 qualifie les autorités compétentes. Notamment, «pour la province, les chefs-lieux de province et la ville de Kinshasa : le gouverneur de province ou celui de la ville de Kinshasa».
L’article 6 précise qu’«II est imparti à l’autorité compétente ou son délégué un délai de 3 jours pour prendre acte de la déclaration préalable, à dater de son dépôt. Dans le cas qui requiert, outre la déclaration préalable visée à l’article 4, alinéa 2, l’autorité précitée dispose de 5 jours, à dater du dépôt de la déclaration, pour répondre à la requête. Dans l’un et l’autre cas, le dépassement de délai emporte respectivement la prise d’acte et l’octroi d’office de l’autorisation».
L’article 7 dispose : «Les autorités compétentes saisies de la déclaration préalable ont l’obligation de veiller au déroulement pacifique des manifestations ou réunions publiques organisées dans leur ressort territorial ainsi qu’au respect de l’ordre public et des bonnes moeurs sans tenter de les entraver. Toutefois, elles peuvent, de commun accord avec les organisateurs ou leurs mandataires, différer la date ou modifier l’itinéraire ou le lieu des manifestations ou réunions publiques envisagées».
Et l’article 8 : «Les forces de l’ordre n’interviennent pour disperser les manifestants qu’en cas de débordements ou de troubles graves». C’est cela, la loi.
Il est connu de l’opinion publique qu’une nouvelle loi est en chantier. Lors de sa conversation avec la Presse le 26 janvier 2018, le Président Joseph Kabila y a fait allusion. Appelée à se prononcer avant sa promulgation, la Cour constitutionnelle l’a renvoyée au Parlement. «…par conséquent, le Sénat et l’Assemblée nationale doivent une fois de plus la revoir. Je pense qu’à la session du mois de mars – vu que c’est une session extraordinaire qui est en cours – on aura une loi qui va recadrer tout ça», a-t-il déclaré en exhortant les organisateurs au devoir de s’assumer, eux aussi.
Est finalement pris qui croyait prendre…
Or, à partir du moment où le Comité laïc de coordination, d’un côté, intègre dans ses manifestations des forces politiques et sociales qui ne jurent que par le schéma «burkinabé» ou celui du «printemps arabe» au motif d’instaurer la «Transition Sans Kabila» et, de l’autre, refuse non seulement d’obtenir des autorités politico-administratives l’autorisation préalable mais aussi de leur indiquer l’itinéraire des manifestations, l’association privée reconnue uniquement par la Cenco crée elle-même, et en plus à dessein, une situation susceptible de dégénérer au travers des débordements et troubles graves.
D’ailleurs, les prises de position du Clc depuis le 31 décembre 2017 traduisent la volonté délibérée d’en découdre avec les Pouvoirs publics. Ce n’est alors pas le fait de brandir la Bible, le chapelet et le rameau qui garantit le caractère pacifique des manifestations. Les propos de Jean-Marc Kabundu, selon lesquels il y a co-organisation, c’est-à-dire cogestion desdites marches à raison de 50 % des catholiques et 50 % des combattants de l’Udps constituant les 100 % des participants ôtent toute dimension pacifique à ces manifestations.
Maintenant qu’il annonce la prochaine manifestation pour le 25 février 2018, le Clc sait qu’il ne pourra pas ne pas en fixer l’itinéraire. Mieux, en déclarant librement le 20 février 2018 sur Rfi que «Maintenant cela devient clair que l’assemblée plénière reconnaît au CLC le droit de manifester comme association privée de l’église», l’abbé Donatien Nshole a conscience d’avoir solennellement engagé la responsabilité de la Cenco dans la gestion des marches.
En d’autres termes, si le Clc – structure non reconnue par l’Etat congolais – s’entête à ne pas communiquer aux autorités politico-administratives l’itinéraire des marches à venir ni à solliciter l’autorisation de manifester conformément au décret-loi 196 du 29 janvier 1999 (en attendant de la session ordinaire de mars 2018 la nouvelle loi), la Cenco – structure reconnue par l’Etat congolais – va devoir le faire à sa place.
Et puisque le Clc finira bien pour s’y plier, il ne restera plus qu’à constater que son refus de le faire pour les deux premières manifestations est pour beaucoup dans les débordements et les troubles constatés, et tout naturellement déplorés. Est finalement pris qui croyait prendre…
(Omer Nsongo die Lema/Cp)