Incidents à Lubumbashi: Que cache l’attitude de l’UE, USA, Suisse et Canada ?

La République démocratique du Congo est-elle au centre d’une conspiration internationale qui ne dit pas son nom ? Une question qui vaut la peine d’être posée, au vu des réactions et autres attaques à peine voilées, depuis que ce pays a été élu démocratiquement, le 16 octobre 2017, comme membre du Conseil des droits de l’homme à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York. C’est comme si tout est fait pour l’éprouver par le feu, oubliant que la situation peut exploser à tout moment si l’on n’y prend garde. C’est le sens des mesures qui ont été prises à Lubumbashi, chef-lieu de la province du Haut Katanga, afin d’empêcher qu’il y ait débordement à l’arrivée et lors du meeting programmé et avorté de Félix Tshisekedi, président du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, aile Katumbiste et radicalisée.
C’est au vu de cette situation que la Délégation de l’Union européenne a publiée hier, la déclaration suivante en accord avec les chefs de Mission européens à Kinshasa, des Etats Unis, de la Suisse et du Canada, qui disent « être profondément préoccupés par les restrictions à la liberté de réunion imposées par le gouvernement de la RDC et les autorités locales. Nous regrettons particulièrement l’arrestation, le 22 octobre, de nombreux membres de l’opposition à Lubumbashi et appuyons l’appel de la Monusco à leur libération », indique la déclaration. Mais là où les diplomates feignent d’ignorer le contexte du pays, c’est lorsqu’ils soulignent que l’interdiction de réunions publiques, la perturbation d’activités politiques pacifiques et les arrestations arbitraires sont incompatibles avec les normes démocratiques, en particulier la liberté de réunion et d’expression, que garantit la Constitution congolaise.
Même si en Rd Congo les manifestations publiques sont régies non seulement par la Constitution mais aussi par la loi, le pays a opté pour l’information en lieu et place de l’autorisation. Toutefois, au vu de la situation qui risque d’exploser à tout moment, les autorités n’ont trouvé mieux que de limiter l’exercice de cette liberté constitutionnelle. Doit-on mobiliser la communauté internationale pour cela ? Y-a-t-il raison de s’alarmer devant cette situation, comme s’il n’y a que la Rdc au monde par rapport au contexte qui lui est propre, à limiter l’exercice d’une liberté ?
Et les mêmes diplomates de renchérir : « Pour que des élections pacifiques et crédibles puissent se tenir en conformité avec l’Accord de la Saint Sylvestre, tous les dirigeants politiques et membres de la société civile doivent être libres de tenir des réunions publiques. Il est de la responsabilité des autorités de créer les conditions permettant de tenir ces réunions dans la paix et la sécurité. Les citoyens congolais doivent se sentir libres d’y participer sans crainte de violences, d’arrestations arbitraires ou de représailles », soulignent-ils, avant d’appeler le gouvernement et les forces de sécurité à veiller à ce que les activités pacifiques de la société civile ou de l’opposition puissent se dérouler sans perturbation. Les chefs des partis d’opposition ont également la responsabilité de s’assurer que leurs activités et leurs partisans respectent les normes démocratiques et L’Etat de droit.
Au sujet des élections, tout le monde est d’avis qu’elles ne seront pas organisées cette année, et que la tripartite CNSA-CENI-Gouvernement a déjà levé l’option de leur report, afin notamment de parachever l’enrôlement des électeurs dans les provinces du Kasaï et Kasaï central, ainsi que dans les territoires de Luilu et Kamiji, dans la province de Lomami. C’est dans ce sens que l’on attend la révision de la loi électorale, la loi sur la répartition des sièges, etc.
Quel lien avec l’arrivée de Nikki Haley ?
Pour certains observateurs, le fait pour les Chefs de Mission européens à Kinshasa, des Etats-Unis, de la Suisse et du Canada d’être intervenus dans ce qu’il convient d’appeler ‘’privation de liberté contre Félix Tshisekedi’’, n’a rien d’anodin. Nombreux sont ceux-là qui pensent que, sachant qu’il lui sera difficile, voir impossible de tenir un meeting, Tshisekedi est allé à Lubumbashi dans le but de faire porter le chapeau à la Rdc. Soit, un pays qui a été récemment élu au conseil des droits de l’homme, et qui a du mal à faire respecter les mêmes droits de l’homme sur son territoire.
De même, cette déclaration ressemble à une accusation de ces chancelleries occidentales contre la Rdc, devant Mme Nikki Haley. Et les éléments ramenés par Félix Tshisekedi semblent corroborer cette thèse. L’eau étant mise au moulin de Mme Haley, elle ne manquera pas d’insister lorsqu’elle rencontrera les autorités congolaises.
Mais, il ne faudra pas aussitôt oublier de signaler que Mme Haley fut la première à réagir, lors de l’élection de la Rdc au Conseil des droits de l’homme. Par la voix de sa représentante permanente aux Nations Unies, Nikki Haley, Washington a considéré que cette élection est une «preuve de plus du manque de crédibilité du Conseil des droits de l’Homme et de la nécessité de le réformer, afin de le sauvegarder». La Rdc, a-t-elle soutenu, est un pays «connu pour sa répression politique, sa violence faite aux femmes et aux enfants, ses arrestations et détentions arbitraires, ses homicides et disparitions illégales» !
Toutes choses restant égales par ailleurs, c’est la même personne, celle qui a fustigé l’élection de la Rdc au Conseil des droits de l’homme, qui est arrivée à Kinshasa. Va-t-elle changer de position ? Va-t-elle pour autant applaudir la Rdc ? Rien n’est évident. Aux autorités congolaises de savoir déjà qu’elles ne doivent pas attendre grand-chose de Mme Nikki Haley.
La Rdc, une jeune démocratie
Pour revenir aux préoccupations formulées par les Chefs de Mission européens à Kinshasa, des Etats Unis, de la Suisse et du Canada, ils doivent savoir que la Rd Congo est une jeune démocratie, qui n’est pas à confondre avec les vieilles démocraties françaises, américaines, anglaises, italiennes, etc. Comme il a été dit ci-haut, tout doit être fait par rapport au contexte. Et ce contexte, est celui de la contestation de la non-organisation des élections à l’échéance fixée par l’Accord de la Saint-Sylvestre, celle du 31 décembre 2017.
Si dans ces vieilles démocraties, les gens peuvent grever du matin au soir, ou manifester à tout bout de champ, c’est parce que ces pays ont déjà fait beaucoup d’efforts, à travers la satisfaction des besoins élémentaires de leurs populations. A ce jour, la Rdc peut-elle se comparer politiquement, économiquement ou socialement à ces pays ? Pourquoi alors vouloir tout simplement les comparer au niveau de l’application des normes démocratiques ? Sinon, la Rdc a encore un parcours à faire, pour prétendre se mettre au diapason des autres pays du monde. Dans ce sens, souffrez que l’exercice de certaines libertés soit limité, afin d’éviter le chaos ou de prêter le flanc aux ennemis qui n’attendent qu’une occasion pour achever la Rdc.
L’Avenir