Depuis son avènement à la tête de l’administration douanière congolaise, à la faveur de « l’empêchement » de son patron Deo Rugwiza Magera, le Directeur général adjoint en charge d’Administration et Finances de la DGDA, Jean-Baptiste Nkongolo Kabila Mutshi se bat bec et ongles pour y mettre de l’ordre. Pourtant, il s’agit ici d’un environnement où tous les coups sont prévisibles, car traditionnellement l’homme résiste toujours au changement.
Lieu de tous les enjeux
C’est pour couler dans la même veine qu’il n’est guère permis un moindre engourdissement de nerfs à celui qui doit veiller au grain à la maximisation des recettes pour le compte du trésor public. Après tout, c’est la DGDA qui en est la mère pourvoyeuses. C’est là que bat le cœur du trésor public congolais. Et la non-observance des consignes par ses cadres et agents, conduira à coup sûr, à des sanctions, ces initiatives salvatrices, si visiblement draconiennes soit-elles. Question de bien faire, laisser braire. Au cas contraire, au laisser-aller suivra la descente aux enfers de tout un pays.
Mais c’est malheureusement dans cette logique à vendre pour répondre aux ambitions du Gouvernement que tout mensonge cousu de fil blanc s’invite et se veut un appât pour attirer les appétits inassouvis des tenants du statu quo, prédateurs et tireurs de ficelles de surcroit, qui voient étouffés dans l’œuf leurs projets et se lancent à secouer les cocotiers. Ici, l’arme fatale du moment, parler du harcèlement sexuel s’invite. Pourtant il s’agit d’une légère tant l’administration a ses principes et caprices.
Le ministre Yav dans l’affaire Ekofo
C’est l’heure de briser le silence et ôter le gan de velours de la main de fer. Aujourd’hui plus qu’hier, qui veut noyer son chien l’accuse de rage. Et depuis que le produit le plus commerçable pour certaines femmes, c’est le simple fait d’évoquer le harcèlement sexuel imputé à qui l’on veut pour en tirer un profit quelconque, protection de la femme oblige, des victimes pourraient se compter par millier au quotidien si l’on n’y prend garde. C’est tout le problème.
A en croire certains documents parvenus par un oiseau de bon augure à l’Avenir, cela peut bien être le cas à la DGDA. Un cadre doublé de receveur principal à la DGDA/Kin Beach Ngobila, Mme Bijou Ekofo Bonono pour ne pas la citer, a jeté le pavé dans la marre depuis début mars. C’est ce qu’exhume une correspondance datée du 6 avril 2018, adressée au DG a.i de la DGDA, Jean-Baptiste Nkongolo, signée Henri Yav Mulang, ministre des Finances. Ce dernier, faisant suite à une correspondance de Mme Ekofo, qui se plaint d’être victime d’abus de pouvoir et de harcèlement sexuel de la part du DG a.i. En outre, le ministre Yav a adressé un accusé de réception à Mme Bijou Ekofo Bonono. Et pour examen et appréciation, le ministre de tutelle demande au Dg a.i de la douane l’ensemble des éléments en ce compris le rapport de la mission d’audit du 19 mars 2017, qui l’ont conduit à cette suspension.
Une affaire de fraude douanière
Toutes informations recoupées, il s’avère que cette affaire est moins une affaire de mœurs qu’un dossier de fraude douanière, courant à un poste d’entrée connu pour sa contrebande. Dans ce registre de sept personnes dont cinq hommes, il n’y a pas que Bijou. Mme Ntumba Kadima, inspecteur à la DGDA, a été sanctionnée. Une mesure disciplinaire pour raisons d’enquête. L’inspecteur Kilanda Moko, le contrôleur Lukusa wa Mwikisha, trois vérificateurs à savoir Bopolo Mbula, Mwamba Bebay et Mvubu Luemba, ont écopé aussi de la même sanction.
Parlant de la fraude, ces mesures conservatoires de JB Nkongolo, vingt-sept d’expérience à la douane, qui a toujours dépassé les assignations aussi bien au Nord-Kivu, Province Orientale, Katanga et Kongo central, repose son argumentaire sur le Décret portant règlement d’administration du personnel de la DGDA, qui préfèrent le manuel en lieu et place du Sydonia.
Le receveur principal de Kin Beach Ngobila a écopé de cette sanction comme six autres cadres et agents de la DGDA, suite à des faits avérés relevés par une mission d’audit dépêchée au Beach. «Des faits constitutifs de faute professionnelle grave et de manquement aux devoirs (…) ayant entraîné des manques à gagner au détriment du Trésor public», se défend Nkongolo dans un document interne. Des informations parvenues à la Direction Générale font état d’une barge venue de Brazzaville et transportant quantités d’objets importés.
Qui a bu boira
Au regard du niveau très élevé des risques de fraude douanière à ce beach, la suspicion de fraude est faite. Ce DG qui, aussitôt après sa nomination, s’est employé à soutenir l’action de l’Exécutif dans la lutte contre la fraude, veille au strict respect des procédures douanières à ce poste frontière, sanctuaire réputé d’une intouchable contrebande. L’on y avait signalé un accostage obligatoire au Beach Ngobila, port pourvu d’un bureau des douanes, des embarcations transportant des marchandises en provenance de Brazzaville. Le déchargement, la prise en charge et pointage des marchandises par la douane, l’entreposage des marchandises à l’entrepôt mis à la disposition de la douane par la SCTP,… voilà le nœud du problème ici, comme du reste à tous les postes d’entrée du pays. Question de promouvoir l’éthique et la déontologie professionnelle dans un secteur clé de l’économie. Le 12 mars 2018, J.B. Nkongolo signe un ordre de service créant une mission de service en vue de s’assurer du respect au beach, des procédures légales en vigueur et des instructions relatives à la prise en charge et au dédouanement des objets importés.
Trois jours plus tard, le rapport préliminaire et accablant tombe sur le bureau du DG, établi par le Directeur Coordonnateur de l’Audit Interne.
La barge n°2814 qui a accosté au beach le 8 mars 2018, transportait des marchandises sous douane en provenance de Brazzaville, du tissu imprimé (pagne wax), du riz, des jutes de vêtements, des huiles végétales, des produits de toilette, etc.
Mais à l’arrivée au beach, la mission d’audit constate que ces produits avaient déjà été livrés à leurs propriétaires, embarqués dans des véhicules, prêts à quitter les installations douanières. Les véhicules sont bloqués et conduits vers un parking en vue du contrôle.
L’audit fait état de CDF 20.906.040 perçus par la DGDA au titre des droits et CDF 2.865.521 au titre des taxes connexes. Mais d’innombrables autres produits avaient été éludés notamment des balles de wax (187 balles de wax éludées sur 545, 1.600 cartons de produits de toilette sur 1.800, 194 jutes de vêtements éludées sur 289, etc.).
Selon le document interne, la mission d’audit établit que «les valeurs en douane appliquées pour le calcul des droits et taxes ne reflètent pas la valeur transactionnelle des marchandises importées telle que définie par l’article 61 du Code des douanes». Outre cela, si le Code des douanes et la Règlementation du change rendent obligatoire la production d’une licence d’importation et d’attestations de vérification, aucune de ces pièces n’avait été jointe au dossier.
Au total, CDF 86.336.354 ($US 53.439) ont été éludés entraînant du coup des amendes d’au moins CDF 252.668.381 ($US 148.628).
En un an, trois missions de contrôle ont été diligentées dont celle conjointe Brigade douanière et Audit interne suite à une dénonciation des députés nationaux dans le dossier SODEIC. Ekofo Bonono a donc été suspendue sur dossier de fraude douanière du fait de sa responsabilité résultant des actes de liquidation, d’octroi de la mainlevée des marchandises sur lesquelles les droits et taxes sont perçus, de sa qualité de garant des droits dus au Trésor public.
Un bilan élogieux
La grande force de l’actuel DG a.i Nkongolo Kabila Mutshi est qu’il a commencé à l’ex-OFIDA au grade de brigadier. Après avoir gravi tous les échelons jusqu’au 7ème niveau de l’immeuble dont il connaît les détails plus que quiconque, il est quasiment indéboulonnable.
A lire les chiffres, les perceptions des droits et taxes du Trésor ont été multipliées passant de janvier 2016 à juin 2017, de CDF 20.999.920 à 2.232.040.938 FC. Au cours de la même période, la moyenne mensuelle atteint US$ 402.510,00 contre US$ 154.010,00. Ces performances rappellent ses prouesses en province Orientale où il a fait passer la recette du Trésor de CDF 10 milliards à CDF 94 milliards, de 2009 à 2014 ou, au Nord-Kivu, de CDF 45 milliards à CDF 115 milliards.
Cette affaire qui se veut un signal fort à la contrebande, à tous les receveurs des douanes, à tous les agents du fisc du secteur qui se croiraient des intouchables, ne manquera pas d’en révéler d’autres. Pourvu que le trésor public soit renfloué, et non les poches de simples individus.
L’Avenir