Le transfert du pouvoir entre le nouveau Président Félix Tshisekedi et le Président sortant Joseph Kabila, le Jeudi 24, 2019, à Kinshasa, marque une page d’or dans les annales de l’histoire Congolaise et Africaine contemporaine. La cérémonie, haute en couleur et d’une portée politique sublime, marque une nouvelle phase de notre trajectoire républicaine. Elle matérialise la première alternance procédurale entre le détenteur du pouvoir (pendant 17 ans) et le leader de l’opposition émanant de l’UDPS, l’ancien fer de lance de l’opposition radical pendant 38 ans. Un événement impensable en Afrique Centrale. Cette région où les présidents (despotes démocratioides) se sont accrochés au pouvoir en modifiant les constitutions de leurs pays. D’autres ont fait élire les caciques de leurs propres régimes comme successeurs.
Désormais, la RDC rayonnera au firmament politique continental comme une extraordinaire expérience de consolidation de la démocratisation. Cet exploit a été réalisé grâce au leadership réformateur du Président J.Kabila. Il s’agit surtout de la prouesse techno-électorale de la CENI sous la direction de son Président Corneille Nangaa. Ce dernier a amené la CENI, contre incantations maléfiques et prédictions apocalyptiques, à organiser un troisième cycle électoral jugé crédible, et meilleur par rapport aux précédents. Et après une attente assortie d’intenses palpitations en RDC, couplée au suspense à l’étranger, la CENI avait finalement publié les résultats provisoires de l’élection présidentielle le 10 Janvier 2019. Les contestations portées à la Cour Constitutionnelle par les candidats présidentiels malheureux ont été explorées et déboutées. Enfin, l’apothéose a été le rituel de la passation de l’imperium entre le nouveau Président Félix Tshisekedi et le Président sortant Joseph Kabila.
Quelle idéation profonde peut-on extraire de cet exploit politique et électoral historique ? La question convoque un faisceau de réponses. Il me semble judicieux de cogiter sur le sens sociétal de l’élévation de Félix Tshisekedi à la présidence de la République. Au-delà de ce couronnement politique, il est nécessaire de cerner ce que représente cet événement dans la conscience collective et surtout sa portée pour l’avenir de la RDC. Sur ce même registre, il est indispensable de projeter une luminescence particulière sur la fonction architectonique de J.Kabila. Il a émergé comme bâtisseur d’une expérience de démocratisation extraordinaire dans le monde. La conclusion éclaire la nécessité d’une intelligence politique synergétique en faveur d’une cohésion politique propice à la reconstruction accélérée vers le cap de l’Emergence.
- L’ELEVATION DE FELIX TSHISEKEDI A LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE : LA JUSTICE RENDUE A L’HISTOIRE
La victoire électorale et l’ascension de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême de la RDC porte une intelligibilité d’ordre historique, sociopolitique et moral. Au plan historique, la victoire électorale de Félix Tshisekedi est le couronnement historique juste d’un combat politique et social de plus de 38 ans. Un combat sur fond des torrents de sueurs, des bains de sang et d’écrasement humain et matériel. Il s’est enraciné dans la conscience collective comme la lutte de tout un Peuple pour la liberté, l’égalité et la justice. Au plan politique, au-delà de sa conception partisane, l’UDPS (désormais parti au pouvoir) est intériorisée dans la psyché Congolaise en tant que fer de lance de la seule opposition crédible en RDC. Elle a été surtout le seul foyer du puritanisme oppositionnel congolais pendant 38 ans. Tous les détenteurs du pouvoir depuis 1980, la société, les insurgés militaro-politiques de 1996 à 2003, ainsi que la communauté internationale, voyaient dans l’UDPS le seul parti politique actionnant la dialectique de la démocratisation en RDC – en face des contradictions de différents régimes. Cela est d’autant plus vrai que tous les politiciens Congolais cherchaient toujours la purification politique tant dans une relation, une association ou une intégration dans l’UDPS. Les anciens caciques de différents régimes, les rebelles, les opportunistes de la société civile, tous cherchaient à «s’udpsicer » en quelques sortes, pour redorer leurs blasons politiques ou être acceptés par la population. Depuis 2011, le visage de Dr. Etienne Tshisekedi et après celui de Félix Tshisekedi sur les posters des élections étaient la clé d’attraction des électeurs. Bien plus, dans les récentes crises politiques, c’est principalement à l’UDPS que tous les régimes sont allés chercher un arrimage porteur de validité aux yeux de la société, pour former le gouvernement d’union nationale, calmer la situation, en vue de voguer vers les élections. Au plan moral, il me semble indiscutable d’asserter que le parti ayant lutté pour la liberté, l’égalité et la justice pendant 38 ans, le foyer de la purification politique et la force d’arrimage politique dans la résolution de graves crises politiques, incarnait un certain «bien politique» dans l’Esprit collectif. En d’autres termes, l’UDPS représentait une organisation sociopolitique porteuse des valeurs d’intégrité politique, mais aussi de vaillance dans le combat. Elle était donc intériorisée comme l’essence et la substance de l’idéal politique Congolais.
Ainsi donc, à la lumière des pans explorés ci-haut, la victoire électorale de Félix Tshisekedi et son ascension à la présidence de la République de la RDC, constituent un événement par lequel la justice a été rendue à 38 ans d’histoire d’un Peuple. Il s’y ajoute le phénomène d’une satisfaction psychologique, une sorte de sentiment d’auto-récompense du Peuple Congolais, en plaçant au pouvoir la force politique puritaine, vaillante, validatrice des politiciens et force de résolution des crises politiques.
Ainsi ce couronnement établit un équilibre des forces sociopolitiques Congolaises. C’est aussi une consécration politique de 38 ans du combat de l’icone oppositionnelle Africaine, Etienne Tshisekedi et un hommage aux milliers de militants morts dans les marches et grèves depuis 1980. Mieux encore, cette victoire consacre l’égalité géopolitique des segments tribalo-linguistiques de la RDC. L’ascension d’un «muluba» et Kasaien du centre de la RDC à la présidence de la RDC, après 58 ans d’indépendance, brise la prétendue «balubaphobie» (une espèce d’antisémitisme) des Congolais. Cet événement porte donc une vertu cathartique corrective des perceptions antirépublicaines qui prévalaient jusque-là. Le Président J.Kabila mérite donc d’être hautement congratulé pour cette occurrence historique correctrice des perceptions erronées ayant piégé la consolidation de l’unité nationale depuis 1960. Non seulement, il est le bâtisseur de la démocratie mais aussi réparateur-constructeur de l’équilibre des segments tribaux-sociaux, édificateur l’unité de la nation Congolaise moderne.
- JOSEPH KABILA L’OPERATEUR D’UNE EXPERIENCE DE DEMOCRATISATION RAYONNANTE EN AFRIQUE
Si la victoire électorale a été arrachée par Félix Tshisekedi, l’apothéose politico-historique revient indubitablement au Président Joseph Kabila. Le dénouement rayonnant de ce troisième cycle électoral en RDC est principalement l’une de ses contributions majeures à l’histoire Congolaise et Africaine contemporaine. Aucun historien, politologue, ou même économiste substantiel, ne saura parler de la mutation de l’Afrique dans le prisme de la troisième vague de la démocratisation, sans accorder des pages entières à la prouesse historique réalisée au cœur du continent par le Raïs Congolais. Il convient de proposer une conceptualisation luminescente de cet exploit dans son extraordinaire singularité.
La prouesse de la démocratisation de la RDC par Joseph Kabila découle du fait saillant de sa prise en mains du seul Etat Africain en faillite et en dislocation, en 2001, qu’il est parvenu à établir comme model de démocratisation en 18 ans. Pourtant, dans toute la gamme de théories de la démocratisation, les académiciens et praticiens sont unanimes sur l’impératif d’un minimum de stabilité étatique et économique, comme préalables à tout processus de démocratisation susceptible d’atteindre le troisième cycle sans s’effondrer. Aucun autre pays, dans le contexte mondial de la « Troisième Vague de la Démocratisation » n’a initié et consolidé la démocratisation en parallèle avec une transformation systémique multidimensionnelle comme en RDC.
En effet, tout en s’attelant à la démocratisation, J.Kabila a unifié le pays, ravivé une économie ruinée par 32 ans de despotismes kleptocratique, tout en rebâtissant l’appareillage sécuritaire. Mieux encore, non seulement qu’il ne s’est pas accroché au pouvoir, il a laissé l’imperium pacifiquement dans les mains d’une opposition qui l’avait farouchement combattu et couvert d’invectives les plus viles, et il a transféré au Président Félix Tshisekedi un pays en bien meilleur état qu’en 2001. Cela est une occurrence historique rarissime en Afrique où d’autres présidents Africains ont transféré aux successeurs des Etats en pitoyable situation financière et en récession économique (Angola, Zambie, Zimbabwe, RSA). Alors que J.Kabila est arrivé au pouvoir en 2001 dans un Etat en déliquescence économique totale avec un PIB de $ 4 milliards, sans sous à la Banque Centrale, le Président Félix Tshisekedi reçoit un Etat sur la piste de l’émergence. Il reprend une économie stable en croissance portant un PIB de plus de $ 41 milliards, une monnaie stable et des réserves de change à la Banque Centrale. En, plus J.Kabila va transférer tout cela et l’imperium au plus ancien et plus crédible parti politique de l’opposition de l’Afrique Centrale. Indubitablement, cette expérience Congolaise s’imposera comme un model référentiel et une performance politique inspiratrice dans l’histoire politique contemporaine africaine.
CONCLUSION :
CAPITALISER LES AVANCEES DE L’ERE J.KABILA DANS UNE COHABITATION PERFORMANTE
L’occurrence historique de la montée de l’UDPS au pouvoir après 38 ans de lutte porte une certaine similarité avec celle de l’ANC. Mais, les déboires de l’ANC en matière de gouvernance, ont démontré qu’être une efficace organisation oppositionnelle n’est pas nécessairement une garantie de performance dans la gestion de l’Etat. L’histoire a finalement transféré à cette force oppositionnelle l’imperium tant réclamé en 2011-2012. L’histoire se fait justice. Mais, doit-on souligner, les Congolais seront plus exigeants vis-à-vis de Félix Tshisekedi qu’ils ne l’avaient été face à Joseph Kabila. Après l’euphorie de la victoire, il faut cogiter profondément sur les meilleures stratégies pour relever les défis de la performance en gestion d’Etat. Lutter pour la bonne gouvernance, la liberté, l’égalité et la justice, n’est pas nécessairement la garantie de réaliser ces idéaux-là une fois au pouvoir.
Comme souligné ci-dessus, Joseph Kabila va transférer au Président Félix Tshisekedi une RDC en élan de mutation systémique substantiel. Le Président Félix Tshisekedi trouve un Etat possédant tous les fondamentaux propices à une gouvernance de propulsion. Il ne va pas faire face, comme ce fut le cas en 2001 à l’arrivée de Joseph Kabila au pouvoir, à la complexe tache de pacification totale, d’unification du pays, de la gigantesque .démocratisation, ni de la ressuscitation d’une économie descendue aux bas-fonds des ruines. Ainsi donc, le nouveau président devra être pragmatique, afin de préserver les acquis de la cohésion politique, promouvoir l’intelligence synergétique pour mobiliser les plus de compétences possible au-delà des clivages politiques, afin de réussir le pari de la transformation de la RDC. A cet effet, il est rationnel d’éviter un idéalisme beat, et de rejeter le militantisme, pour comprendre que la RDC est déjà dans la phase de la pre-émergence. Tout en s’attelant à corriger les déficiences, il est impératif de capitaliser les avancées politiques, économiques, et surtout de matérialiser les projets en cours. Il serait irrationnel de verser dans la politique de tabula rasa et l’eternel recommencement.
Contrairement au credo démagogique nourri par certains négationnistes, la RDC possède bel et bien une stratégie et une vision nationale de développement inscrites dans le Plan National Stratégique de Développement (PNSD). Il s’agit ici d’un outil national, un instrument républicain de la gestion stratégique de l’Etat. Il a été produit par des experts nationaux et internationaux, selon la normativité gouvernologique, en tandem avec tous les bailleurs des fonds. C’est un acquis que le Président Félix Tshisekedi peut exploiter. Force est de souligner que la réalité imparable de la majorité parlementaire constituée par le FCC de J.Kabila va imposer une cohabitation UDPS-CACH avec le FCC. Indubitablement, le prochain premier ministre émanera du FCC. L’heureuse expérience de la cohabitation de la MP avec différents groupes oppositionnels dans le Gouvernement Tshibala (qui nous a donné les meilleures élections) permet de croire qu’un régime consociationnel CACH-FCC est possible. A cette phase de notre histoire, le défi de la matérialisation de la vision de Lumumba du Congo étoile brillante au cœur de l’Afrique, est un devoir de tous. Joseph Kabila a construit la fondation et c’est la mission de Félix Tshisekedi de lancer l’édifice en hauteur.
Hubert Kabasu Babu Katulondi (Libre-penseur, écrivain).