La veuve Béatrice Kimbangi, sexagénaire, est une femme de caractère, assagie par des épreuves de trois décennies de veuvage. A ce jour, dit-elle, elle garde la tête hors de l’eau et partage son expérience à de jeunes couples.
L’Avenir-Femme : Bonjour Madame, si vous pouvez vous présenter
Je suis Béatrice Kimbangi, veuve et mère de quatre enfants, tous des garçons.
Depuis combien de temps êtes-vous devenue veuve ?
Depuis février 1981, j’étais très jeune, j’avais encore 27 ans d’âge à cet époque-là.
Comment avez-vous vécu cette dure épreuve ?
Oh, c’était pénible, une expérience que je ne souhaiterai plus revivre, rien qu’en me souvenant de ce que ma belle-famille m’avait fait endurer. C’était une torture et surtout qu’en ce temps-là, je n’étais pas encore très affermie dans la foi comme aujourd’hui. Je connaissais à peine le Seigneur Jésus- Christ ; je n’étais qu’une chrétienne de dimanche. J’aurais été mûre dans le Seigneur, je n’aurais pas accepté ce calvaire.
Etiez-vous soumis à un traitement dur pendant les obsèques ?
Oh, un pire cauchemar ! Quand je pense à cette mauvaise expérience, je me dis que certaines veuves d’aujourd’hui sont des veuves heureuses ; moi j’étais une veuve malheureuse, encore que mon défunt mari était un luba de « Bena Konji » de Kananga. Il avait de surcroit beaucoup d’argent et marié à moi, une mukongo (originaire du Kongo-central). J’en ai vu de toutes les couleurs de la part de cette belle famille, dès l’instant où il rendait l’âme à l’hôpital. Tout de suite, on saisissait des biens de valeur : véhicules, clés de contact, le livret parcellaire m’étaient confisqués, même les petites économies, vu qu’on avait déjà beaucoup dépensé pour des soins. Le drame c’est que même mon corps avait subi des tortures. Je ne pouvais manger au-delà de 18 heures, j’étais également exposée aux coups de froids parce qu’on m’avait dépouillée des habits, en m’exigeant de ne nouer qu’un pagne autour de la poitrine et j’ai failli développer la pneumonie parce que je toussais beaucoup. Je devais aussi rester couchée ou assise sur le sol pendant quarante jours, jambes croisées, et mains croisées introduites entre les cuisses. Interdiction de me laver, sauf les parties intimes. Mes cheveux étaient rasés sept fois pendant trois mois, pour prévenir de nouvelles pousses avant la levée du deuil. Plus fort encore, je ne pouvais plus parler, sauf avec une veuve placée à mes côtés, pour servir d’intermédiaire. Je n’ai pu trouver la paix qu’après la levée du deuil, soit quarante jours après.
Après le décès de votre mari, comment avez-vous assuré l’auto-prise en charge des enfants ?
Heureusement que je travaillais déjà dans une structure privée de la place. J’avais un bon salaire, me permettant de subvenir aux besoins de ma famille. Cette structure avait été mise à sac, lors des vagues de pillages de 1991-1992. Dix ans plus tard, je me suis retrouvée à la Fonction publique, à la Direction générale des impôts, DGI, puis à l’Environnement, où j’ai travaillé jusqu’à ma retraite. Maintenant, je suis une femme entrepreneuse, je fabrique et vends de la chikwangue de bonne qualité que je livre sur commande.
Au-delà de ces efforts, ressentiez-vous le vide avec les enfants ?
Le vide était dur à combler, après le décès d’un être cher. L’un de mes enfants en a beaucoup souffert, au point de risquer de perdre la vie. Dieu aidant, il s’en est sorti sauf.
Qu’en est-il de l’héritage ?
Je n’ai hérité de rien après le décès de mon mari. Les enfants, aidés par leurs ainés, vu que mon mariage était du genre recomposé, le père de mes enfants s’était remarié avec moi. Trois parcelles sur quatre ont été vendues, la seule restée a été ravie par la sœur de mon défunt mari. Elle y reste jusqu’à aujourd’hui.
Pensez-vous vous remarier un jour ?
Ah non ! Rire…Avec tout ce que j’ai enduré, je n’y pense plus. Je me sens très à l’aise dans mon état actuel. Certes, les temps sont durs, mais je ne manque de rien. Je sers à temps plein le Seigneur qui a placé à mes côtés des frères et sœurs avec qui on s’entraide. Mes enfants aussi s’occupent de moi. Tout cela me suffit. Mes différentes occupations tant pour l’œuvre du Seigneur que pour mes propres affaires (fabrication de la chikwangue) me détendent suffisamment. Je ne pense plus aux futilités ; car la vie ne se résume pas qu’à ça. Aujourd’hui, je suis une grande conseillère des couples, des veufs et veuves. M’appuyant sur mon expérience, je leur parle comment j’ai pu surmonter cette dure épreuve grâce aux enseignements chrétiens. Je suis Nkumu à l’église, vice Moyangeli dans ma cellule de prière(CEVB), membre du noyau au Renouveau charismatique catholique que j’ai coordonnée pendant douze ans, conseillère des mamans catholiques de ma Communauté de base…
L’idéal, c’est de s’accrocher à Christ qui est la vraie paix. C’est le conseil que je peux donner à toutes celles qui ont vécu l’épreuve du veuvage.
( Propos recueillis par Irène Musune)