«A quelque chose, malheur est bon», dit-on. La baisse drastique des recettes en devises provenant essentiellement de l’exploitation minière a un impact négatif certain sur les recettes budgétaires certifiées par la loi de finances. Les sources autorisées révèlent que les réserves de change pour la Banque centrale du Congo (BCC) ne couvrent que deux à trois semaines d’importation, que la dépréciation du Franc congolais face au dollar est actuellement de 65 % avec risque de dépasser les 100 % s’il n’y a pas, sur ces entrefaites, un appui budgétaire extérieur, que le taux de croissance annuel pourrait rester en deçà de 4 %. Bref, la situation économique est morose. Pour y faire face, le Gouvernement congolais ne réinvente pas la roue. Il fait exactement ce que recommandent les usages en matière financière à travers le monde dans les circonstances similaires : consulter son arsenal juridique et administratif…
C’est dans cette optique qu’il faut saisir le sens exact des mesures prises par les ministères intéressés, en plus de la BCC. Il s’agit, notamment, de celles enjoignant les opérateurs miniers de rapatrier 40 % des recettes d’exportation minière, à défaut d’être soumis à des sanctions prévues dans l’arsenal juridique et administratif congolais. Le 5 juillet 2017, Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, gouverneur de la Banque centrale du Congo, s’est chargé de le signifier aux intéressés au cours d’une conférence de presse tenue après la 6° réunion ordinaire du Comité de politique monétaire (CPM).
Raison fondée : alors qu’il s’observe une remontée à la hausse du coût de la tonne de cuivre (5.600 USD) et du cobalt (60.000 USD) sur le marché international des produits miniers, on assiste plutôt à une rentrée timide pour ne pas dire nulle des devises qui en proviennent, et cela au moment où le pays en a énormément besoin pour faire face à des impératifs d’Etat au nombre desquels, cela va de soi, le financement du processus électoral, de la masse salariale du personnel de l’Etat et des investissements publics.
«Il y a une mauvaise foi de la part de certains miniers. La fraude et l’opacité continuent dans le secteur. C’est pourquoi nous avons décidé, dans les deux semaines à venir, de publier une circulaire qui va durcir le régime des sanctions pour non-respect de la réglementation en matière de rapatriement de recettes d’exportation par les entreprises titulaires de droit minier. Concrètement, nous allons renforcer le contrôle sur les comptes principaux à l’étranger des entreprises minières, de manière à nous rassurer du rapatriement effectif du 40% et l’utilisation de 60 % qui reste à l’étranger», a prévenu le gouverneur. L’échéance devrait arriver le 21 juillet 2017.
CHOIX DE LA PERIODE
Point n’est besoin d’être connaisseur avisé pour réaliser la nature des réactions constatées. Dès le 19 juillet, soit quarante-heures plus tôt, le tandem américain «Groupe d’Etude du Congo-Bloomberg» annonce la couleur avec la publication des rapports sulfureux sur les avoirs financiers des proches du Président Joseph Kabila. Le premier rapport, consacré à l’honorable député national Zoé Kabila, est intitulé «L’empire du frère du Président». Le second, suivi immédiatement, paraît sous le titre «Les richesses du Président. Entreprise familiale des Kabila». Deux jours après, soit le 21 juillet, Global Witness prend la relève avec le rapport «Distributeur Automatique de Billets du Régime».
La particularité de ces documents est aussi la coïncidence de leur publication avec la réouverture du procès de Moïse Katumbi et l’organisation du conclave de l’aile «Rassemblement» proche de l’ancien gouverneur du Katanga, s’affichant opposant principal au Président de la République. Mais leur singularité est d’être l’œuvre des ONG financées par un certain faiseur (et défaiseur ?) des rois africains. Son nom Georges Soros. Son job : trader. Nous y reviendrons.
OBLIGATIONS DES MINIERS
A ce stade, tout ce qu’il y a à constater se résume au refus des exploitants miniers de s’acquitter des obligations auxquels ils sont pourtant soumis par le Code minier congolais et par d’autres textes légaux et administratifs en vigueur. Il est d’abord important de le rappeler : le Code minier a été inspiré pour ne pas dire imposé à la République Démocratique du Congo par les institutions de Bretton Woods au lendemain de l’accession de Joseph Kabila à la magistrature suprême. Dans ses articles 267, 268 et 269, la loi n°007 du 11 juillet 2002 détermine les droits ainsi que les obligations auxquels est soumis tout titulaire qui exporte les produits miniers autorisés, et ce en matière de réglementation de change et de mesures d’application.
Du premier article, il ressort que le titulaire a le droit tout comme l’obligation, entre autres, de :
a) ouvrir un compte en devises appelé ‘Compte Principal’ auprès d’une banque étrangère de réputation internationale qui aura des relations d’affaires avec un correspondant pour la gestion des fonds qu’il est autorisé à tenir en dehors du Territoire National ;
b) communiquer à la Banque Centrale du Congo et dans les moindres détails, toutes les coordonnées du compte principal ;
c) verser les recettes d’exportation qu’il est autorisé à tenir en dehors du Territoire National conformément aux dispositions de l’article 269 ci-dessous dans son compte principal étranger avant toute redistribution ;
d) payer à partir du compte principal le service de sa dette étrangère, y compris le principal, les intérêts, les commissions et les pénalités selon les conventions d’emprunt conclues avec les bailleurs de fonds étrangers ;
e) communiquer les conventions d’emprunt conclues avec les bailleurs de fonds étrangers à l’Administration des Mines pour confirmer si les conventions d’emprunt correspondent au plan de financement d’une exploitation minière dûment autorisée.
A l’article 268, il est question pour le titulaire exportateur des produits miniers de pouvoir «ouvrir et détenir un compte ou un groupe de comptes en devises étrangères auprès des banques commerciales agréées, dont le siège social est en République Démocratique du Congo, pour gérer les recettes et les dépenses en devises du projet qu’il exploite à bien en vertu de son droit minier». Dans cet ordre d’idées, «Il bénéficie de la liberté de garder en devises toutes les recettes des ventes à l’exportation des produits du projet sans obligation de les convertir en monnaie nationale. S’il a ouvert plusieurs comptes, le titulaire d’un droit minier a l’obligation de désigner le compte réputé ‘compte National Principal’ qui doit recevoir préalablement, toutes sommes et recettes d’exportation.
Tandis que l’article 269 l’autorise de garder et de gérer «dans son compte principal et ses comptes de service de la dette étrangère les recettes de ses ventes à l’exportation à concurrence de 60%». Il est toute tenu «de rapatrier obligatoirement dans son compte national principal tenu en République Démocratique du Congo 40% des recettes d’exportations dans les quinze jours», et encore «à dater de l’encaissement au Compte Principal prévu à l’article 267 du présent Code». La question, ici, est de savoir si les sociétés minières sont en règle avec la loi. On peut affirmer que si tel était le cas, le gouverneur de la Banque centrale du Congo n’aurait pas tiré la sonnette d’alarme.
ILS VEULENT ASPHYXIER LE CONGO ET LE CONGOLAIS
Il reste seulement à constater et à souligner la coïncidence entre l’enclenchement de la campagne médiatique autour des rapports de GEC-Bloomberg et de Global Witness avec l’échéance du timing imposé à ces sociétés pour rapatrier les recettes d’exportations prévu dans la loi tenant lieu du Code minier.
Pour rappel, le 5 juillet dernier, il leur a été donné deux semaines pour s’exécuter, c’est-à-dire au plus tard le 19 juillet 2017. La campagne a commencé le 19 avec le rapport GEC-Bloomberg visant le député national Zoé Kabila pour se poursuivre le 21 avec le rapport Global Witness.
Fait curieux : ces ONG et les médias qui leur ont servi de relais ont en grande partie ignoré les précisions livrées le 24 juillet par les officiels concernés en premier lieu, en l’occurrence le ministère des Mines et l’ITIE. Naturellement, ils sont dans un schéma n’ayant rien à voir avec le processus électoral ni avec la situation économique et sociale. Autrement, ils se seraient investis sérieusement dans le rapatriement des 40 % que la loi leur interdit de garder en dehors du pays.
Ils veulent simplement asphyxier le Congo et le Congolais. Il s’agit, ni plus d’une moins, que d’une agression à caractère économique et financière. En consultant la Constitution, on constate qu’avant le célébrissime alinéa 1 de l’article 64, l’alinéa 1 de l’article 63 reconnaît à tout Congolais «le droit et le devoir sacré de défendre le pays et son intégrité territoriale face à une menace ou à une agression extérieure». Tout esprit sensé est donc censé le savoir : le pays fait face à l’une et à l’autre.
(Georges Kalema/Cp)