Contestation de la Cour constitutionnelle, contestation de l’arrêt de la Cpi au sujet de l’affaire «subornation des témoins», discrédit jeté sur les candidats de l’Opposition choisis paraît-il par Kabila, déconsidération des proches actuels de Moïse Katumbi que sont Olivier Kamitatu et Delly Sessanga : l’homme est dans son état normal. Son dieu est toujours vivant : l’égocentrisme…
«RD Congo : la CPI condamne Jean-Pierre Bemba à un an de prison pour subornation de témoins». La dépêche est de France 24 et de l’Afp. Mise en ligne le 17 septembre 2018, elle note : «Peine de prison confirmée. L’ancien chef de guerre Jean-Pierre Bemba a été condamné lundi 17 septembre à un an d’emprisonnement par la Cour pénale internationale (CPI) pour subornation de témoins. Exclu de la présidentielle en République démocratique du Congo, l’ancien chef de guerre ne retournera pas en prison car il a déjà purgé sa peine» et reprend les propos du juge Bertram Schmitt selon lesquels «La Chambre condamne Jean-Pierre Bemba à une peine de douze mois d’emprisonnement.
Après déduction du temps qu’il a déjà passé en détention, la Chambre considère que la peine d’emprisonnement a été purgée», peine assortie d’une «amende de 300 000 euros». La veille, Chairman s’est organisé autour de cette audience avec un battage médiatique fort. Interviews personnelles à «France 24» et à «Jeune Afrique». Interviews des siens dans plusieurs médias africains dont «Africa 24» et congolais dont «Top Congo Fm». C’est à croire qu’il avait conscience de la coupe de douleur qu’il avait en mains…
Aucun esprit lucide n’a pourtant compris l’empressement avec lequel, à peine sorti de la prison de la Cpi après 10 ans de détention, Jean-Pierre Bemba s’est porté candidat à une présidentielle à laquelle il ne s’était nullement préparé, concrètement parlant. Même s’il voulait remettre le pied dans l’étrier, il n’avait pas à s’engager dans une aventure comme celle-là, et encore dans un contexte politique inflammable.
Après tout, de tous les candidats à ce niveau de l’élection réunis à Bruxelles le 12 septembre 2018, il est – aux côtés de Vital Kamerhe certes – le seul à en connaître le prix dans tous les sens du terme. Mieux, de tous les candidats, il était le seul à avoir un dossier judiciaire pendant au plan international. Aurait-il alors cédé à la boulimie du pouvoir ? Ou plutôt à des pressions internes et externes ? A-t-il simplement été manipulé par certains lobbies anti-Kabila pour «fléchir» le Chef de l’Etat, comme d’aucuns le pensent, voire le croient ?
Avec la sentence de la Cpi au sujet de l’affaire «subornation des témoins», un mythe tombe… Car, il se révèle cette vérité dure : que ce soit “Qui trop embrasse mal étreint !” ou “Qui trop embrasse mal éteint !», le résultat est le même. Jean-Pierre Bemba est définitivement invalidé. Il faut bien tourner la page d’une candidature Mlc pour la magistrature suprême.
Questions et réponses
Dans l’interview accordée le 16 septembre à «Jeune Afrique», Chairman a voulu persister et signer dans la défense de son droit à la candidature. Ainsi à la question «Sur le fond, la Cour constitutionnelle s’est appuyée sur votre condamnation pour subornation de témoins. Cela équivaut, selon elle, à une condamnation pour corruption, ce qui vous rend inéligible…», il répond : «Cette affaire a été renvoyée en première instance, et l’article 81 des statuts de Rome me permet de faire appel. La condamnation n’est donc pas définitive et ne devait pas être prise en compte».
A la question «Reste que vous avez été condamné pour avoir suborné, c’est-à-dire donné de l’argent à quatorze témoins», il répond : «C’est la thèse des juges et je la conteste. Mais je ne la commenterai pas. La CPI m’interdit de le faire». A celle de savoir «Contestez-vous aussi que la subornation soit une forme de corruption ?», il déclare : «Oui. Dans le code pénal congolais, la corruption et la subornation sont définies par deux articles différents. Si le législateur avait voulu que ce soit la même chose, il en aurait fait un même article».
A la question : «De quel recours disposez-vous encore ?», il dit : «Je peux saisir la Cour africaine des droits de l’homme. C’est quelque chose que je suis en train d’étudier». Et à la suggestion de l’intervieweur Pierre Boisselet «Et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ?», il répond : «J’y réfléchis également, mais Kinshasa ne respecte pas les décisions des Nations Unies». Mais, avant ces questions, il y en a trois édifiantes et qui méritent d’être reprises pour bien circonscrire l’interviewé.
Première question : «Le 3 septembre, la Cour constitutionnelle congolaise vous a officiellement exclu de la course à la présidentielle. Quelle est votre réaction ?». Première réponse : «Cela démontre que ce régime n’est ni ouvert ni disposé à l’alternance. Comme d’autres, j’ai été exclu alors que j’étais éligible. En réalité, le régime de Kinshasa a choisi ses propres opposants, ceux qu’il veut voir affronter son candidat Emmanuel Ramazani Shadary. Il veut s’aménager une élection dont le résultat est connu d’avance et conserver la main sur l’ensemble des structures de ce pays».
Deuxième question : «Vous vous y attendiez ?». Deuxième réponse : «Avant même que la Ceni (la Commission électorale nationale indépendante) n’annonce sa décision, André-Alain Atundu, le porte-parole de la majorité présidentielle, a publiquement remis en cause mon éligibilité. Il savait ce qui allait se passer. Quant à Alexis Thambwe Mwamba, le ministre de la Justice, il a envoyé une lettre à la Ceni pour lui dire d’écarter certains candidats. Cela prouve bien que la Cour constitutionnelle et la Ceni sont aux ordres».
Troisième question : «Avez-vous une copie de cette lettre ?». Troisième réponse : «Non, mais je suis bien informé. En outre, pendant l’audition de notre recours devant la Cour constitutionnelle, Norbert Nkulu, l’un des juges, est allé parler aux avocats de la commission électorale. Pour quelle raison sinon leur donner des instructions ? C’est dire à quel point cette affaire était jouée d’avance. On a eu peur de ma candidature».
Que reste-t-il à déduire à défaut de conclure ?
Cette interview comporte trois messages. Primo, Jean-Pierre Bemba ne désarme pas. Il faut s’attendre dans les jours à venir à d’autres recours. Lorsqu’un candidat en vient à persévérer à ce niveau-là, c’est la preuve que l’annonce de sa disponibilité à soutenir un autre candidat de l’Opposition n’est que pour la consommation populaire. S’il va s’y résigner, ce sera à ses conditions.
Secundo, il manifeste son mépris à l’égard des candidats validés qu’il présente comme une sélection faite par Joseph Kabila pour concourir avec dauphin Emmanuel Ramazani Shadary. Là, il vient de persister et signer malgré les dernières protestations de l’Udps émises par Abraham Luakabwanga. Tertio, il se livre à un véritable procès d’intention au sujet du ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba et de la Ceni en évoquant une lettre dont il ne détient aucune copie.
Quant à la «prédiction» d’André-Alain Atundu, elle ne peut être considérée comme preuve de «subornation» dans la mesure où le porte-parole de la Mp avait dit haut ce qu’Eve Bazaïba, Jacques Djoli et autres Alexis Lenga savaient par avance. Il n’est pas exclu qu’ils l’aient prévenu…
Au sujet encore du mépris, Jean-Pierre Bemba prouve qu’il reste égal à lui-même dans cet exercice. En effet, lorsqu’il lui est demandé s’il peut travailler un jour avec les membres du Mlc ayant fait défection (il s’agit notamment d’Olivier Kamitatu et Delly Sessanga aujourd’hui dans le giron de Moïse Katumbi, il répond : «Je n’ai pas de contacts avec ces personnes. J’ignore ce qu’elles font. Je ne traite qu’avec les chefs de l’opposition, et ils n’en font pas partie» !
Que reste-t-il à déduire à défaut de conclure ? Il n’a pas changé. Son dieu est toujours vivant : l’égocentrisme…
Omer Nsongo die Lema/Cp