Le président de la République, Joseph Kabila Kabange s’est adressé à la population congolaise, à travers la presse, parce que selon lui, depuis plusieurs années, on a tout dit à cette population, sauf la vérité. Raison pour laquelle il a insisté sur le fait que la démocratie est un choix politique et idéologique, et que c’est par conviction et non par contrainte qu’on a accepté d’aller aux élections en 2006 et en 2011. A l’en croire, c’était une décision bien réfléchie et le passage obligé pour atteindre la pacification totale, la cohésion et la reconstruction du pays. Au sujet de l’intrusion de certains religieux dans la politique, Kabila rétorque que nulle part dans la Bible, Jésus n’avait présidé une commission électorale, avant de conseiller qu’il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Parce que quand on mélange, le résultat est toujours négatif. Au sujet du 3ème cycle électoral en cours, Joseph Kabila estime que son souci, depuis 2012 a toujours été la cohésion, la transparence et le financement du processus par les Congolais eux-mêmes et c’est ce qu’on est en train de faire. Mais comme en 2011, Joseph Kabila constate une résistance farouche de l’opposition, de la société civile, et de la part d’un homme de Dieu face au processus électoral en cours. Pour lui, il faut aller aux élections comme prévu. S’il y a des perspectives claires et une feuille de route au niveau du pouvoir en place, de l’autre côté de l’opposition et de ses alliés, on propose un saut dans le vide, dans l’inconnu et sans base juridique. Toutefois, estime-t-il, le processus électoral peut-être amélioré. « S’il y en a qui pensent qu’ils ont des idées, la porte est ouverte. Mais essayer de dérailler ce processus avec des propositions farfelues est inadmissible », insiste-t-il. Le chef de l’Etat affirme avoir de bonnes relations avec tous les partenaires, sauf quelques exceptions. Ceci, parce que le Congo a refusé le diktat sur ce qu’on doit faire. Et de trancher que le Congo n’est pas à vendre. Le Congo rejettera ce point de vue qui consiste à croire que les responsables congolais doivent être nommés par des partenaires. Ce que nous voulons, c’est la coopération basée sur le respect mutuel de notre pays, de notre peuple, de la même façon que l’on respecte les autres.
C’est un Joseph Kabila très serein et maîtrisant mieux son sujet que quiconque, qui s’est adressé vendredi dernier à la presse, dans son cabinet de travail situé dans la commune de la Gombe. En ce jour du 26 janvier 2018 où il totalise 17 ans jour pour jour à la tête de la République démocratique du Congo, depuis qu’il avait prêté serment dans la rotonde du Palais de la Nation, la démarche de Joseph Kabila avait pour objectif de clarifier la situation, d’informer l’opinion, de corriger, certainement de rassurer la population. Et ce, parce que conscient que depuis plusieurs années, on a tout dit à cette population, sauf la vérité. On lui a parlé de la Rdc, de tout ce qui est négatif, mais jamais de positif. C’est ainsi qu’il s’est proposé de donner son point de vue et l’évolution de la situation sécuritaire, politique, le processus électoral, les relations avec les neuf (9) voisins, avec les partenaires, la Monusco, la situation socio-économique et la reconstruction.
De prime abord, Joseph Kabila a expliqué qu’à son arrivée à la tête de la Rdc, dix jours avant, le Congo perdait son président, Laurent-Désiré Kabila. Le pays était en pleine guerre, avec les armées d’occupation. Le pays était divisé en plusieurs zones d’influences avec les chefs de guerre et les armées étrangères. Il y a en même qui avaient cru que le Congo était devenu un far-West, avec les zones de non-droit. Le dialogue était en panne, pas de perspective claire quant à la pacification du pays et quant à l’organisation des élections.
A cette période, le pays n’avait pas de cadre macroéconomique, les indicateurs étaient au rouge, le taux de croissance négatif, une dette de 14 milliards de dollars américains qui n’était pas contractée par Mzee Kabila. Bref, une situation catastrophique. « Face à cette situation, j’avais identifié les priorités : la réunification, la pacification, la relance du processus de négociation, la stabilité du cadre macro-économique et amené le pays vers les élections », dit-il, avant de renchérir qu’en toute modestie, nous avons réussi à unifier le pays entre 2003-2006, on a stabilisé le cadre macroéconomique, la stabilité du pays était en cours, on avait lancé le dialogue. Tout ceci, dans l’objectif d’organiser les élections en 2006. Et depuis 2006 jusqu’à ce jour, ajoute Joseph Kabila, une politique volontariste a été menée dans la reconstruction du pays par les grands travaux.
De la situation sécuritaire
Abordant la question de la situation sécuritaire du pays, le n°1 des Congolais a indiqué que sur les 26 provinces, il n’y a que 2 qui ont une situation qualifiée d’inquiétante. Il s’agit du Nord et du Sud-Kivu. En plus, sur les 145 territoires, seulement 5 sont affectés. Plus concrètement, il a dit que dans le Nord-Kivu, après l’entrée massive de réfugiés rwandais et burundais, soit 2 à 3 millions de réfugiés avec leurs armes, c’était le début de notre cauchemar, mieux de l’insécurité dans la région. Même si la zone connaissait déjà l’insécurité, mais avec l’arrivée massive de ces réfugiés et des armes incontrôlées, les deux provinces n’ont plus connu de paix. « Le problème sérieux qu’il faut prendre en compte aujourd’hui, c’est autour de Beni, avec un mouvement terroriste venu de l’Ouganda, l’ADF et qui s’est installé dans le massif Ruwenzori. Et depuis un certain temps, ils se sont radicalisés. C’est la raison pour laquelle il y a les opérations des FARDC », dit-il.
Dans le Sud-Kivu, explique-t-il, c’est presque la même chose, mais avec une exception que ce sont les groupes armés alliés aux rebelles burundais qui attaquent les institutions provinciales et la population. Face à cette situation, les FARDC y ont été déployées avec objectif de mettre fin à cette insécurité. Dans l’espace Kasaïen qui a connu une situation dramatique avec l’activisme des terroristes Kamwina Nsapu, Joseph Kabila estime qu’on a déjà mis fin à 85% à cette situation. Une situation qui n’est pas du tout nouvelle, parce que déjà vécue autour de 1959-1960. Et la solution, c’était une cérémonie au lac Munkamba. « Que ça soit en 1959 ou 1960, il y avait l’impunité et les gens ont cru qu’ils pouvaient faire la même chose. Cette fois-ci, on est catégorique et c’est la justice qui doit s’en occuper pour des sanctions exemplaires ».
Il a toutefois fustigé la tendance à minimiser ce qui s’est passé dans l’espace Kasaïen, pendant que c’était extrêmement grave. « Ce sont les leaders politiques et au sein de nos églises qui essayent de minimiser, tout en sachant que ce sont des criminels », dixit Joseph Kabila, qui ajoute que le point positif, c’est qu’à 85%, les 4 à 5 provinces sont pacifiées, le processus d’enrôlement est en cours, les compatriotes partis en Angola sont de retour, les services de sécurité sont au contrôle. Néanmoins, observe-t-il, il reste des récalcitrants qui sont devenus des coupeurs de route et, leur cible, c’est la population. La mission confiée aux FARDC est de mettre fin à l’insécurité dans les 4 à 5 provinces et de gagner la guerre et in fine, de gagner la paix. Et pour y arriver, on aura besoin de tout le monde.
De la situation politique et du processus électoral en cours
Sur le plan politique, Joseph Kabila a rappelé que c’est depuis 2003, après la réunification du pays, que la classe politique s’était mise d’accord pour organiser les élections. Mais bien avant, il fallait adopter une constitution par le référendum. « Je suis peut-être le seul à avoir battu campagne pour l’adoption de la constitution. Les autres avaient rejeté la Constitution, ils étaient restés ici dans les bistros, les ambassades, alors que j’étais sur terrain », révèle le chef de l’Etat, qui insiste et signe que quand je vois certains défendre la Constitution qu’ils avaient rejetée, je m’éclate de rire…
Et d’enchainer : la première à rejeter la Constitution, c’est l’Eglise catholique. « Même si on a une mémoire courte, c’est surprenant de voir en l’homme la capacité de se dédire. Quant à moi, je suis resté constant. Je considère que c’est ma Constitution », dit-il, tout en insistant : « la démocratie est un choix politique et idéologique pour nous ». Et de déduire : c’est par conviction et non par contrainte qu’on a accepté d’aller aux élections en 2006 et 2011. C’était une décision bien réfléchie et pour moi, c’était l’unique passage obligé pour atteindre la pacification totale, la cohésion et la reconstruction du pays.
Par la suite, Kabila de s’interroger : qui a tué la démocratie en Rdc ? Et de répondre : en 1960, à peine 6 mois après son élection, le Premier ministre élu était assassiné. C’était la mort de la démocratie. De même, s’est-il demandé, qui a restauré la démocratie ? Et de répondre que ceux qui ont assassiné le Premier ministre devraient afficher une attitude d’humilité, au lieu de croire qu’ils peuvent devenir des donneurs de leçons. « Le Congo n’est pas complexé dans la consolidation de la démocratie », a-t-il démontré.
C’est ici qu’il a posé plusieurs questions à son auditoire : citez-moi un seul pays autour de nous qui a une presse libre ? Citez-moi un seul pays qui a autant de partis politiques ? Citez-moi un seul pays où le journaliste se réveille, après avoir bu toute la nuit, se demande, qui est-ce que je peux injurier aujourd’hui ?
Savez-vous ce que les voisins disent de nous, s’est une fois de plus interrogé J. Kabila, qui ajoute, comment se fait-il que vous avez une soixantaine des chaines de télévision et les hommes politiques déclarent tout à la télévision sans qu’ils ne soient inquiétés ? C’est ça le Congo, rétorque-t-il, avant d’ajouter qu’il faut qu’il y ait des limites. Sinon, ça sera le libertinage, le chaos.
Revenant sur l’organisation des élections, J. Kabila souligne que tout avait commencé par l’enrôlement des 26 millions de Congolais, pour un budget de 350 millions de dollars Us, sur financement des partenaires de la Rdc (PNUD, Nations Unies et les autres). Malgré le bon déroulement de ces élections, il y avait quand même des contestations. En 2011, presque la même chose, constate-t-il. Et au cours de cette année, l’option avait été levée de financer les élections sur les ressources propres de la Rdc. Et ce, après avoir constaté les tergiversations de ses partenaires, pour un budget de 450 à 500 millions de dollars Us, et 32 millions d’électeurs.
Comme en 2006, en 2011, les candidats malheureux étaient contre et l’Eglise catholique. « Nulle part dans la Bible, Jésus n’a jamais présidé la CENI. Rendons à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Quand on mélange, le résultat est toujours négatif », pense-t-il. Au sujet du 3ème cycle électoral en cours, Joseph Kabila estime que son souci, depuis 2012 a toujours été la cohésion, la transparence et le financement du processus par les Congolais eux-mêmes et c’est ce qu’on est en train de faire, insiste-t-il.
Au sujet de la non-organisation des élections dans le délai légal, le chef de l’Etat cite certains qui estiment que c’est la mauvaise foi, le manque de volonté politique et de vision. Mais à l’en croire, c’est parce qu’en 2012, une fois que les résultats avaient été annoncés, le pays était confronté à une situation inédite : Goma était occupé par le M23. A Kinshasa, il fallait tout arrêter pour faire face à cette situation. On avait orienté les moyens pour défendre le pays. Pendant 18 mois, on avait orienté les moyens vers cet objectif et une année après, c’était chose faite.
Joseph Kabila ne regrette pas cette décision, parce que, estime-t-il, on avait repris le contrôle de Goma et du pays. Alors, il fallait bien préparer le 3ème cycle électoral. « Je félicite la CENI qui travaille dans des conditions difficiles et qui a aussi perdu les agents dans les attaques terroristes au Kasaï, seulement parce qu’ils étaient de la CENI », dit-il, tout en soulignant qu’aujourd’hui, on tend vers la fin de l’enrôlement et on est à 46 millions d’enrôlés.
Pour le chef de l’Etat, vue l’étendue du pays, les élections sont une vaste opération et par expérience, on avait l’obligation de préparer ces élections dont le coût estimatif est de 1,2 milliard de dollars Us. Cela coûte cher pour le développement du pays. Raison pour laquelle il faut lever l’option. Faudra-t-il que l’on soit cité comme le pays le plus démocratique ou c’est le développement du pays qui compte ? Pour lui, Il faudra lever les options pour ne plus retomber dans la même situation, alors qu’on a un budget de 6 à 7 milliards de dollars Us. Et de constater que comme en 2011, il y a une résistance farouche de l’opposition, de la société civile, et de la part d’un homme de Dieu. Mais que faire ? Pour Kabila, il faut aller aux élections comme prévu, car de son côté, il y a des perspectives claires, une feuille de route. Ceci, pendant que de l’autre côté on propose un saut dans le vide, dans l’inconnu et sans base juridique. Toutefois, estime-t-il, le processus électoral peut-être amélioré. « S’il y a en qui pensent qu’ils ont des idées, la porte est ouverte. Mais essayer de dérailler ce processus avec des propositions farfelues est inadmissible.
Sur le plan diplomatique
De la bouche du chef de l’Etat, on a de très bonnes relations avec nos neuf (9) voisins. Il y a certes beaucoup de rumeurs. On a 9 voisins et 35 Km au niveau de la côté. On a des problèmes de réfugiés au niveau de la frontière avec la RCA. Vu le conflit dans ce pays, les mêmes problèmes à la frontière avec le Sud-Soudan, les réfugiés rwandais, burundais et il y a des discussions pour une solution concertée. Face à tout ceci, il faut une réorganisation interne et une concertation au niveau bilatéral. L’ambition de la Rdc est que la base de nos relations soit une coopération économique, pour la fluidité des affaires.
Avec les partenaires, Kabila affirme que l’on a également de très bonnes relations, sauf quelques exceptions. Ceci, parce que le Congo a refusé le diktat sur ce qu’on doit faire. Et d’ajouter que le Congo tient à se faire respecter, d’autant plus que l’homme le plus pauvre a besoin de la dignité. Le Congo tient à sa dignité et doit être respecté à l’instar d’autres pays. De même, le Congo refuse que l’argent soit utilisé comme moyen de subordination.
« Le Congo n’est pas à vendre. Le Congo rejettera ce point de vu qui consiste à croire que les responsables congolais doivent être nommés par les partenaires. Ce que nous voulons, c’est la coopération basée sur le respect mutuel de notre pays, de notre peuple, de la même façon que l’on respecte les autres », dit-il, avant de se demander, qu’est-ce qu’on peut encore donner aux Congolais qu’ils n’ont pas ?
Quid de la Monusco
« On doit clarifier nos relations avec la Monusco, déployée depuis une vingtaine d’années en Rdc », pense J. Kabila, qui a comme l’impression que c’est une mission qui a nourrirait si bien d’ambition de rester le plus longtemps possible. Et de rappeler que c’est depuis 2010 qu’il avait exigé du Secrétaire général de l’ONU sortant de lui proposer un plan de sortie. Sinon, si l’ambition est de, considérer le Congo comme sous-tutelle, ils ne l’ont jamais dit et ce n’est pas le cas. Et d’insister sur le fait qu’il n’y a pas une cogestion de la Rdc par la Monusco. Et la Rdc va exiger le strict respect de l’accord de siège.
La situation économique, le social et les infrastructures
Kabila note une évolution très positive par rapport à la situation d’il y a 15 ans. En effet, depuis 2002, le Congo a un taux de croissance positif, pendant que le taux de croissance moyen en Afrique tourne autour de 2%. L’objectif pour 2014-2015 était d’avoir un taux de croissance à deux chiffres. Mais suite à la crise financière internationale, on ne l’a pas réalisé. Notre bataille, explique-t-il, c’est la stabilité du cadre macroéconomique, de la monnaie et la diversification de l’économie. Et ce, même si l’attention est focalisée sur le secteur minier, pendant qu’il faut faire de l’agriculture la priorité des priorités. Dans le même registre, le secteur des hydrocarbures va être accéléré, de même que l’octroi des permis. Quant aux infrastructures, la politique était les grands travaux et l’ambition est de relier l’Est à l’Ouest, mieux le Sud-ouest à l’Est.
Dans une série de questions-réponses, Joseph Kabila a donné des précisions quant à son plus grand succès et son échec, que lui inspirent les différentes marches : sera-t-il candidat à sa propre succession, l’Accord de la Saint-Sylvestre appliqué de façon sélective, etc. Pour Kabila, le plus grand succès, c’est la réunification du pays, le fait que le pays existe toujours. Il regrette de n’être pas parvenu à transformer l’homme congolais. « J’aurais bien voulu qu’en 2018, il y ait l’émergence d’un homme congolais nouveau, une autre façon de voir les choses. Mais il n’est jamais tard. On va travailler pour ça », dit-il.
Au sujet des différentes marches, J. Kabila est d’avis qu’il y a la culture politique et démocratique qu’il faut cultiver. Il souhaite que les élections, surtout l’après-élection soit une fête de la démocratie et non un deuil. Et d’ajouter que notre mission, c’est d’empêcher les morts, mais pas les manifestations. Les manifestants doivent aussi répondre, au lieu que ça soit l’Etat seul. Pour terminer, le président de la République a affirmé que le Congo est sur une bonne voie, celle des élections. « Que le peuple puisse s’apaiser et rester calme. De son côté, le Gouvernement fera de son mieux pour que les élections soient effectivement organisées. Ça sera des élections libres et démocratiques organisées par les Congolais et non influencées pas quelqu’un, un groupe de gens ou de pays », a-t-il conclu.
(Jean-Marie Nkambua)