30 mai 1943- 1er avril 2019: Le sculpteur et plasticien congolais « Alfred Liyolo » n’est plus
La nouvelle est tombée sous les effets de la célèbre date du 1er avril, poisson d’avril, où tout le monde ne jurait que sur un mensonge ! Un baobab de la culture congolaise est tombé. Il s’appelle Alfred Liyolo Limbe ! Artiste sculpteur et plasticien de renom qui a rendu l’âme hier lundi 01 avril 2019 à Vienne, Capitale d’Autriche.
Né le 30 mai 1943 à Bolobo dans la province de Maï-Ndombe, Alfred Liyolo Limbe quitte la terre des hommes à l’âge de 76 ans.
Certaines de ses œuvres occupent plusieurs espaces publics, comme la place de la Victoire ou le croisement de l’avenue Kimwenza et By Pass à Kinshasa. Des œuvres récentes peuvent être admirées dans le Jardin de la Primature à Kinshasa. En effet, il a réalisé tous les bustes des Commissaires Généraux depuis la colonisation ainsi que les bustes de tous les Premiers ministres que la RDC, depuis l’indépendance. Seuls les 2 derniers bustes des 2 derniers Premiers ministres ne sont pas de lui. Sa dernière œuvre en date à la Place Victoire est le Monument de l’artiste musicien Franco Luambo Makiadi, en grandeur nature. Plus récemment, il a également réalisé les bustes qui se trouvent sur la Place de l’Indépendance dans la province du Lualaba.
Félix Tshisekedi rend hommage à une source d’inspiration
Après l’annonce de la disparition de Me Alfred Liyolo, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a rendu hommage à une source d’inspiration pour plusieurs générations : « Je salue la mémoire de Me Liyolo qui vient de nous quitter. Il a été une source d’inspiration pour plusieurs générations dans son domaine. Je me joins à tous mes compatriotes pour exprimer ma compassion et mes sincères condoléances à sa famille biologique ».
De sa biographie et son parcours
Alfred Liyolo Limbe a étudié en Autriche, au Congo et en RD Congo son propre pays. Après ses études, il connut une riche carrière professionnelle entant que sculpteur et plasticien, mais aussi comme enseignant dans plusieurs pays d’Afrique et d’autres continents.
Petit-fils d’un tailleur d’ivoire, et passionné de l’art, il a quitté le pays en 1963 pour aller parfaire, en Autriche, une formation commencée cinq ans plus tôt (1958) à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa. En Autriche, il rencontre d’autres Congolais qui ont quitté le pays pour raison d’études.
Il est également le seul artiste africain à avoir été reçu par l’Empereur du Japon. Il a exposé dans le monde entier, de la Suisse à la Chine, du Sénégal à l’Afrique du Sud et a participé à de nombreuses Biennales artistiques et Expositions internationales, ainsi qu’à des séminaires dans le cadre de l’enseignement artistique, touristique et environnemental.
De son parcours, Alfred Liyolo a participé à quelques expositions et laisse des chefs-d’œuvre dans les grandes places de Vienne, en participant à de nombreux projets de restauration de monuments ainsi qu’à différents symposiums.
En 1970, il regagne son pays natal. Et c’est comme Professeur à l’Académie des Beaux-Arts qu’Alfred Liyolo partage son expérience. En 1982, il est nommé Directeur Général de cette prestigieuse École d’art de Kinshasa. En tant que Directeur Général de l’Académie des beaux-arts de Kinshasa, il conduit cette institution vers la modernisation. Neuf ans plus tard, un incident malheureux survient : ses ateliers et sa résidence sont totalement mis à sac lors des pillages qui ont lieu dans le pays. Déçu, il quitte le pays avec sa famille pour s’installer à Vienne, dans la capitale autrichienne où il dispense des cours dans différentes écoles d’art et organise des expositions.
Conscient de l‘état de son pays, il décide de regagner Kinshasa, afin d’apporter sa pierre à la reconstruction. En juillet 2013, pour couronner sa carrière professorale remarquable tant sur le plan de l’enseignement que sur le plan de ses réalisations, il est nommé Professeur Émérite par décret ministériel.
Ambassadeur de la Culture Congolaise, les réalisations de Me lui ont permis de parcourir les grandes villes du monde entier. Entre 1973 et 2002, Alfred Liyolo expose dans les galeries les plus prestigieuses et les plus connues du monde, dont Paris (Louvre), Nice, Tokyo, Séville (exposition universelle de 1992), New York (Art expo 93), Vienne, Lisbonne (Exposition Universelle 1998), Pékin, Bruxelles (2002), Dakar (Sénégal). Son dernier exploit en date est la livraison du monument de «Lumumba» de 4,50 m de haut au jardin de la Primature à Kinshasa.
En admirant les œuvres de Maître Liyolo, on entre dans une profonde méditation. Liyolo est un inspirateur ; il transforme le bronze en réalité vivante. Son originalité réside dans le caractère à la fois traditionnel et contemporain de son art, réunissant plusieurs sculptures au style pur et effilé, dont certaines en grand format. Il fait corps avec le bronze et son amour pour cette matière transparait à travers ses œuvres.
Ce qu’a dit Liyolo lors de son 75ème anniversaire de naissance
Le 30 mai 2018, le célèbre Maitre Liyolo, célébrant ses 75 ans d’âge, a, dans son compte Facebook, laissé un beau témoignage de sa propre vie. « En ce jour où je fête mes 75 ans, je ne peux que m’arrêter une minute et retracer le cours de ma vie. Venu de parents extrêmement modestes, j’ai vécu une vie extraordinaire, dont rien, mais absolument rien ne pouvait prédire cela. Qu’est ce qui m’a poussé à me diriger vers l’art moi qui voulait être capitaine de bateau? D’où vient ce courage qui m’a poussé à faire des pieds et des mains pour obtenir une bourse pour confirmer mes études en Europe? Quel courage de tomber amoureux d’une femme qui n’avait rien à voir avec moi, mes origines, mon pays, ma langue?
Que dire ? Si ce n’est merci à tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à mon succès. Mais surtout, s’il y a un élément récurrent dont il faut se souvenir c’est ma quête continue de l’excellence. J’ai toujours voulu être le meilleur et je me suis comporté comme étant le meilleur et j’ai travaillé en me disant que j’étais le meilleur et cela m’a toujours porté plus haut. Jeunes gens d’ici ou d’ailleurs, ne laissez jamais l’adversité de la vie vous arrêter. Si vous êtes déterminé, ne lâchez jamais prise. Travaillez honnêtement et avec fierté. Remerciez ceux qui vous aident et vous ont aidé et n’oubliez jamais d’où vous venez. Je souffle 75 bougies en ce jour. Cela est en soi miraculeux », avait-il posté dans son compte Facebook. Ainsi, la RD Congo perd un de ses dignes fils, dont le nom restera à jamais gravé dans les annales du pays. Adieu Maitre !
Bernetel Makambo